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avec l’Angleterre au sujet des affaires de l’Amérique centrale a éprouvé un assez mauvais sort à Washington, et la ratification se trouve par le fait au moins ajournée, si elle triomphe des hostilités qui se sont déclarées contre un tel arrangement. La situation même des républiques centro-américaines est une complication permanente, et il ne faudrait peut-être qu’un retour de fortune en faveur de Walker pour ramener à ce bizarre aventurier toutes les sympathies yankees. Il est surtout un point vers lequel vont se tourner tous les regards, toutes les pensées aux États-Unis : c’est cette malheureuse république mexicaine, dévorée d’anarchie et obligée aujourd’hui de faire face à de trop justes réclamations de l’Espagne.

Tout semble se préparer en effet dans cette partie du Nouveau-Monde pour de sérieux événemens, dont la querelle avec l’Espagne ne peut être que l’occasion ou le prétexte, et dans ces circonstances les États-Unis auront certainement un rôle. On sait les actes de barbarie commis contre quelques Espagnols non loin de Mexico, à Cuernavaca ; on sait aussi les premières démarches tentées par le chargé d’affaires de la cour de Madrid pour obtenir la réparation de ces crimes. Depuis ce moment, la question a fait un pas de plus et s’est compliquée. Le gouvernement espagnol, comme il ne pouvait s’empêcher de le faire, a pris en main la défense de ses nationaux, et il envoie des forces de terre et de mer dont le gouverneur de Cuba paraît devoir au besoin prendre le commandement. Le ministre des affaires étrangères de la reine Isabelle vient d’adresser aux agens espagnols accrédités au dehors une circulaire où il expose les faits accomplis au Mexique en même temps qu’il annonce l’intention de demander par voie de réparation le châtiment des coupables et une indemnité pour les victimes. Tandis que le gouvernement de Madrid prenait ces résolutions, les choses allaient plus vite au Mexique. Le chargé d’affaires espagnol, après des notes réitérées d’une extrême vivacité, et qui ont fini par dégénérer en ultimatum, le chargé d’affaires espagnol, disons-nous, M. Sorela, a rompu toute relation avec le Mexique et a pris ses passeports. Aujourd’hui, entre ces deux pays, il n’y a d’autre moyen, d’en finir que la force ou une médiation. Certes l’Espagne a toute sorte de droits à poursuivre le redressement des violences qu’ont subies ses nationaux ; il y a là des actes crians et menaçans pour la sécurité de tous les étrangers. Malheureusement le représentant de l’Espagne s’est peut-être un peu hâté, surtout si, comme on l’assure, le gouvernement mexicain ne refusait pas une satisfaction si visiblement due, s’il ne s’est arrêté que devant le ton hautain et impératif de M. Sorela. Il eût été facile au chargé d’affaires d’Espagne de suspendre à toute extrémité ses rapports avec le cabinet de Mexico en attendant les instructions de son gouvernement, au lieu de prendre la responsabilité d’une rupture complète, peut-être irréparable. Il en résulte une situation dont à Madrid même on ne saurait méconnaître tous les dangers.

Que va faire le gouvernement espagnol ainsi engagé ? Il peut tirer vengeance du Mexique par la force, cela n’est pas douteux ; mais est-il certain que l’ouverture des hostilités ne soit point le signal d’un déchaînement de toutes les passions barbares contre les Espagnols dans un pays où sévit la plus désolante anarchie ? D’après toutes les apparences, si les choses étaient poussées à cette extrémité, l’Espagne débarquerait des troupes à la Vera-Cruz