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Espagnols appellent le cabinet de Madrid à poursuivre une réparation, où l’immixtion des États-Unis appellera peut-être quelque jour l’Europe à intervenir. Ainsi marche le monde, toujours occupé à se créer des conflits ou à les dénouer. De toutes ces questions, il en est qui commencent à peine ; d’autres devront être nécessairement résolues dans un délai assez court, comme celle de Neuchâtel. Au premier rang, parmi les choses actuelles, sont les affaires de l’Angleterre et les récens débats du parlement. Ici l’on touche à des points de politique intérieure en même temps qu’aux intérêts du commerce et de la prépondérance de la Grande-Bretagne dans l’extrême Orient.

Lorsque le parlement anglais s’ouvrait il y a plus d’un mois, on pressentait vaguement que de grandes discussions allaient s’élever, et que le ministère aurait à se défendre contre des coalitions puissantes d’opinions et de talens ; mais sur quel terrain allaient s’engager ces luttes ? Les difficultés nées de l’interprétation du traité de paix avec la Russie venaient d’être pacifiquement dénouées par la conférence de Paris. On ne se pressait pas d’aborder les affaires d’Italie, ou du moins ces affaires étaient effleurées plutôt que traitées dans une sorte d’escarmouche entre lord Palmerston et M. Disraeli. Il restait deux questions d’un intérêt supérieur pour la politique anglaise, la guerre avec la Perse et les hostilités dirigées contre la Chine. C’est sur ces deux points que se concentraient tous les efforts d’une opposition composée d’élémens assez divergens. Or, avant d’aller plus loin, en quoi consistent et dans quels termes se trouvaient ces deux questions, dont une seule a pu être soustraite jusqu’ici à la juridiction parlementaire par une négociation qui vient d’aboutir heureusement à un traité de paix ?

On n’a point oublié peut-être d’où est née la guerre de l’Angleterre avec la Perse. Il y a quelque temps déjà, un agent britannique à Téhéran, M. Murray, se mettait eu lutte ouverte avec le gouvernement du shah, et finissait, après des discussions irritantes, par amener son pavillon et prendre ses passeports. Ce n’était encore qu’un prélude, lorsque la Perse, se croyant menacée du côté de l’Afghanistan, envoyait une armée pour faire le siège de la ville d’Hérat, qui tombait bientôt devant les forces persanes. L’aventure de M. Murray, le siège et la prise d’Hérat, la préoccupation des intérêts britanniques dans l’Afghanistan, peut-être le dessein secret de prévenir la Russie dans ces contrées ou de lutter d’influence avec elle, toutes ces raisons suffisaient à l’Angleterre pour déclarer la guerre à la Perse et pour envoyer une escadre avec des troupes dans le Golfe-Persique. À la prise d’Hérat les Anglais répondaient par la prise de Bushir. C’est vers cette époque qu’un ambassadeur persan, Ferouck-Khan, se rendant en France, s’arrêtait à Constantinople, où il se trouvait engagé dans une difficile négociation avec le représentant britannique, lord Stratford de Redcliffe, pour le rétablissement de la paix entre les deux pays. Malheureusement lord Stratford de Redcliffe est un négociateur mieux organisé pour soutenir les querelles que pour les apaiser ; il se retranchait dans des conditions aussi hautaines que rigoureuses. Cette négociation rompue à Constantinople, Ferouck-Khan est venu la renouer à Paris avec lord Cowley, et ici la paix a pu être signée. Ce résultat est dû à l’esprit de conciliation des deux négociateurs, et aussi, il faut le dire, à l’entremise du gouvernement français, au ministre des affaires étrangères, qui, sans intervenir officiellement, n’a cessé de s’employer à adoucir les différends, à rapprocher les par-