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Je veux dans ce désert, loin des traces de l’homme,
Je veux voir de près l’inconnu.


L’ESPRIT DE L’AÏEUL


Toi qui cherches ton passage,
Fier de le trouver tout seul,
Si ton cœur est resté sage,
Prends le bâton de l’aïeul.

Quelque jour, entre deux routes,
Hésitant, chargé d’ennui,
Si tu t’assieds, si tu doutes…,
Laisse-toi guider par lui.

Tu peux sur sa rude écorce
T’appuyer en sûreté ;
Il a donné de sa force
À tous ceux qui l’ont porté ;

Il n’a pas conduit ses maîtres
Vers les orgueilleux sommets ;
Mais, par lui, de tes ancêtres
Le pied n’a tremblé jamais.

Ceux-là n’avaient pas l’envie
De fuir tout le genre humain,
Et, pour traverser la vie,
Ils prenaient le droit chemin.

Par la montagne et la plaine,
Partout où le blé mûrit,
Ils creusaient, sans perdre haleine,
Le sillon qui te nourrit.

Posant leur sceptre de frêne
Sur le seuil de la maison,
Ils rentraient, l’âme sereine,
Sans rêver d’autre horizon.

Fais comme eux ; viens, abandonne
L’oisif orgeuil ; il te perd…
La nature qui t’est bonne,
C’est le champ, non le désert.