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bien que celui-ci était surmonté par la pigna, cette énorme pomme de pin en bronze qu’on voit dans les jardins du Vatican. L’emploi d’une pomme de pin pour décorer un tombeau n’a rien d’extraordinaire ; la pomme de pin formait l’extrémité du thyrse bachique. Un tel ornement rappelait le culte de Bacchus et les mystères où ce dieu jouait un rôle funèbre. J’ai signalé ailleurs le sens des bacchanales représentées sur les tombeaux, et qui font allusion à la vie future révélée dans l’initiation à ces mystères.

Ceci rend raison de cette célèbre pigna qu’au moyen âge l’on avait placée à l’entrée de l’ancienne basilique de Saint-Pierre, comme on le voit dans une curieuse peinture de l’église de Saint-Martin ; elle avait frappé Dante, qui lui compare la tête d’un géant. Ceux qui avaient mis là ce symbole bachique en ignoraient le sens païen ; cela n’était pas toutefois aussi singulier que de figurer, comme on a fait au XVe siècle, des sujets mythologiques, tels que l’aigle enlevant Ganymède et Jupiter en cygne auprès de Léda, sur la grande porte en bronze de Saint-Pierre, où l’on peut s’en édifier encore. Il semble au moins qu’une telle tolérance aurait dû rendre moins sévère pour quelques nudités beaucoup plus innocentes qu’un zèle bien grand et un peu tardif a fait, dans ces dernières années, voiler par d’affreux et ridicules petits jupons.

L’intérieur du mausolée d’Adrien était massif, sauf deux chambres sépulcrales, les corridors inclinés qui y conduisaient et les soupiraux ; c’est exactement la même disposition que dans la grande pyramide, d’Égypte, où il n’y a non plus que deux chambres sépulcrales avec quelques vides au-dessus pour diminuer la pesée de l’énorme amoncellement, des corridors et des soupiraux traversant cette masse et destinés à renouveler l’air, — analogie des pyramides avec ces grands monumens funèbres, et preuve nouvelle que les pyramides étaient des tombeaux. À côté de la pigna, ; dans le jardin du Vatican, sont deux paons en bronze qui proviennent également du mausolée d’Adrien. Je pense qu’ils y avaient été placés en l’honneur des impératrices dont les cendres devaient s’y trouver. Le paon consacré à Junon était le symbole de l’apothéose des impératrices, comme l’oiseau dédié à Jupiter, celui de l’apothéose des empereurs, car le mausolée d’Adrien n’était pas pour lui seul, mais, comme avaient été le mausolée d’Auguste et le temple des Flaviens, pour toute la famille impériale. Des inscriptions placées à l’extérieur indiquaient les noms de ceux dont les restes avaient été déposés dans le mausolée. Ces inscriptions existaient encore à la fin du XVIe siècle ; le pape Grégoire XIII les fit arracher, et employa le marbre des tablettes à décorer Saint-Pierre. Détruire des inscriptions pour avoir quelques morceaux de marbre de plus, c’est vraiment une des plus