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part de ces améliorations. En résumé, la liberté de discussion dont jouit aujourd’hui la communauté européenne de l’Inde a sans doute rendu le gouvernement plus difficile, elle met bien souvent en péril la discipline de l’armée ; mais ces dangers ne sont pas sans compensation, et, quoique nous ne nous piquions certes pas de servir la cause du progrès quand même, nous conclurons en disant que l’expérience et surtout le bon sens éminemment pratique de la race anglo-saxonne, chez laquelle le plus violent thunderer ne vit jamais plus que ne vivent les roses, ont justifié la mesure d’émancipation prise par lord Metcalf.

Nous ne saurions quitter la presse de l’Inde sans dire quelques mots des publications périodiques écrites en langues orientales. Les missionnaires protestans de Sérampour furent les premiers qui introduisirent l’élément natif dans la presse anglo-indienne. Ils publièrent pour la première fois en 1819 un journal en langue bengali, qui avait pour but spécial de servir la cause de la propagande religieuse. Pour répondre aux attaques que l’organe des sociétés bibliques lançait contre la religion hindoue, des pundits organisèrent bientôt diverses publications ; mais la presse hindoue resta vouée exclusivement à la polémique religieuse jusqu’en 1830, époque où les journaux en langues natives commencèrent à donner des nouvelles de l’Europe. La presse hindoue, qui compte non-seulement des représentans à Calcutta, mais encore dans toutes les grandes villes de l’Inde, a adopté les formes multiples de la publicité européenne, et ses organes sont quotidiens, hebdomadaires, bi-mensuels et mensuels. Elle aborde les sujets les plus variés, politique, science, littérature, et compte même des feuilles qui ont, comme le Punch de Londres, pour unique spécialité de châtier les ridicules contemporains[1]. Des personnes compétentes nous assurent que l’influence de la presse native sur les populations est fort peu considérable, et qu’elle ne compte de lecteurs que parmi le Young Bengal, qui, né d’hier comme le Young England, est déjà bien cacochyme aujourd’hui.

Si maintenant, pour résumer ces observations sur la communauté anglo-indienne de la ville des palais, nous devions parler en termes amers de sa moralité, nous garderions le silence, car le silence, à

  1. Le prix de l’abonnement est d’une roupie par mois pour le journal quotidien, et varie pour les autres publications de une demi-roupie à un quart et même un huitième de roupie, prix bien modeste, si l’on pense qu’il s’agit d’un abonnement mensuel au Bidyacul podruma (l’Arbre de toutes les Sciences), au Sambad Rasaraj (le Roi de la Satire), ou au Sambad Bhashkar (le Soleil). Le Soleil, qui est généralement reconnu comme le journal le plus important de la communauté indigène, tire seulement à 400 exemplaires, faible circulation que n’explique que trop ce que nous avons dit du déplorable état de l’éducation dans la société indienne.