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tion signée avec M. Buschental, ministre de la Confédération Argentine, et dont le résultat devait être de vider les prisons de Naples, en assurant un lieu de refuge en Amérique à tous les détenus politiques. Ces détenus devaient être transportés aux frais du gouvernement napolitain ; à leur arrivée dans la république argentine, ils devaient recevoir des concessions de terres, des sommes stipulées pour leur premier établissement et former des espèces de colonies ; seulement ils ne pouvaient revenir en Europe. Tout cela a échoué, les détenus n’ont pas voulu souscrire à ces arrangemens. On dit que récemment à Naples, dans une réunion diplomatique où se trouvait le ministre des affaires étrangères, M. Carafa, on discutait sur le nombre de détenus qui avaient accepté : les uns portaient le chiffre à 50, d’autres le réduisaient à 4. M. Carafa avoua que ce dernier chiffre était le vrai. Aujourd’hui le traité Buschental est à peu près abandonné, de sorte que voilà encore un expédient manqué. Maintenant quelle sera l’issue de ces incertitudes ? Le roi de Naples n’est pas évidemment le moins intéressé à rendre un rapprochement possible et à mettre un terme à cet état de rupture qui, après lui avoir donné l’occasion de montrer une certaine fermeté, n’est pas propre à endormir les inquiétudes et à décourager les mécontentemens autour de lui.

Tous les troubles politiques semblent se donner rendez-vous dans le Nouveau-Monde, et s’y produisent sous des formes aussi étranges que violentes. L’absence d’institutions et de mœurs publiques ouvre une large carrière aux passions individuelles les plus effrénées ; la faiblesse des pouvoirs de hasard qui se succèdent laisse sans défense le droit public et la sécurité des étrangers. C’est ce qui explique les révolutions intérieures qui agitent sans cesse les républiques hispano-américaines, et les réclamations permanentes que les puissances européennes ont à poursuivre. Depuis bientôt deux ans, le Mexique est en proie à une crise qui ressemble encore plus à la convulsion d’une agonie qu’à une révolution véritablement politique. Il y a aujourd’hui dans la république mexicaine un congrès souverain occupé depuis un an à faire une constitution, et qui se livre aux discussions les plus oiseuses. À Mexico, il y a un président dit substitué, qui est le général Comonfort, tandis que le président propriétaire est le général Alvarez. On n’a pas oublié ce que c’est que le général Alvarez : c’est un vieil Indien qui s’est mis à la tête de la dernière révolution contre Santa-Anna, et qui depuis, fatigué de la vie civilisée, s’est retiré dans le sud, d’où il prétend encore parfois imposer sa volonté en invoquant son titre de président. Où est le pouvoir dans tout cela ? On ne le sait guère. Pendant ce temps, les insurrections se succèdent. Tantôt c’est au nord le soulèvement d’un chef énergique, de Vidaurri, qui a tenu pendant quelques mois le gouvernement central en échec ; tantôt ce sont les insurrections qui ont éclaté au nom du parti conservateur à Puebla et à San-Luis de Potosi, et qui ne sont pas encore entièrement assoupies.

C’est dans ces circonstances que se sont produites récemment, à quelques lieues de Mexico, des scènes sanglantes qui ne peuvent manquer de réveiller une querelle déjà mal apaisée l’an dernier entre l’Espagne et la république mexicaine. Il est sans doute toujours un peu difficile de se reconnaître dans les obscurités d’une si grande anarchie ; voici cependant les faits tels qu’ils apparaissent. Il y a quelque temps, le général Alvarez a demandé au congrès mexicain l’annexion à l’état de Guerrero, dont il est depuis longtemps le chef,