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entre la population civile et l’armée allemande. Ce n’est pas tout : le voyage de l’empereur François-Joseph devait nécessairement avoir de l’importance sous un autre rapport, au point de vue des relations de l’Autriche et du Piémont ; il devait ou aggraver ou adoucir, la tension qui existe entre les deux états. Il est bien clair que jusqu’ici c’est la première de ces alternatives qui se réalise.

Depuis quelque temps, la guerre est ouverte entre la presse piémontaise et les journaux autrichiens ; les organes officiels des gouvernemens ont eux-mêmes pris part à ces polémiques. L’Autriche menace le Piémont et parle le langage de la force qui se croit en mesure d’infliger un châtiment ; le Piémont répond en invoquant le droit, l’histoire, l’opinion de l’Europe et ses propres résolutions. Chose plus grave, cet échange de récriminations à fini par une démarche directe du cabinet de Vienne, qui a signifié diplomatiquement ses griefs au gouvernement piémontais, et celui-ci réplique à son tour avec autant de vigueur que d’habileté par une note signée de M. de Cavour. Or, sur quoi se fonde cette démarche quelque peu comminatoire de l’Autriche ? Les journaux piémontais se livrent parfois, il est vrai, à de véritables excès de polémique, qui sont aujourd’hui un des griefs du cabinet de Vienne ; mais le gouvernement du roi de Sardaigne ne saurait en être rendu responsable : il y a des lois qui donnent aux cabinets étrangers le droit de réclamer des poursuites contre les organes de la publicité. De plus, il faut en convenir, si dans le cas présent la presse piémontaise, qui est libre, qui n’engage qu’elle-même, s’est livrée à des diatribes particulièrement acerbes, elle n’a fait que suivre les journaux autrichiens, dont le langage a plus de gravité, parce qu’ils ne disent que ce que le gouvernement les autorise à dire. Par une singularité remarquable, dans ce duel qui s’est récemment engagé entre les journaux officiels de Milan et de Turin, c’est le cabinet piémontais qui a été provoqué ; il s’est borné à se défendre. Autre fait : des Lombards se sont cotisés pour élever sur une place publique un monument en l’honneur des soldats de l’armée sarde tués dans la guerre de 1848, et la municipalité de Turin a donné une sorte de sanction officielle à cette pensée en s’y associant, en acceptant l’offrande. Sans nul doute la municipalité de Turin aurait dû éviter de placer le gouvernement dans l’alternative de la dissoudre ou de paraître solidaire d’un acte compromettant ; encore est-il vrai que rien n’indique l’origine lombarde de cette manifestation. Quant aux souscriptions faites pour acheter des fusils et des canons, le gouvernement piémontais a prohibé l’achat de fusils destinés à un mouvement insurrectionnel, et il a expliqué lui-même l’armement de la citadelle d’Alexandrie par des nécessités de défense nationale.

Il est un dernier grief qu’on ne dit pas, et qui n’est peut-être pas le moins sérieux. Le roi Victor-Emmanuel n’a point envoyé complimenter l’empereur François-Joseph pendant son séjour à Milan, ce qui n’est pas en effet d’une rigoureuse correction d’étiquette monarchique. Malheureusement il en est ici comme dans la politique intérieure de l’Autriche, un incident compromet tout. Lorsque la levée des séquestres eut rendu facile un rapprochement auquel le cabinet de Turin était disposé, un sénateur piémontais s’est trouvé tout à coup expulsé de Milan, ce qui n’était pas non plus un procédé très bienveillant, et sans invoquer des motifs politiques de circonstance, il était peut-être permis au roi Victor-Emmanuel de se souvenir que lorsqu’il avait