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pour la propriété immobilière, elle serait insensée de ne pas le voir.

Mais à supposer qu’on veuille établir un impôt de mutation sur les valeurs industrielles, comment serait-il perçu ? Ici on rencontre dans la pratique bien des difficultés. La perception s’établirait-elle sur le montant des bordereaux des agens de change ? Il y aurait évidemment là quelque chose d’inquisitorial, et qui pourtant laisserait échapper une immense quantité de transactions. Serait-ce par un droit établi sur une moyenne de mutations présumées, droit que les compagnies seraient tenues de racheter par abonnement, pour que leurs valeurs fussent admises à la cote du marché français ? Alors ce serait, sous un nom déguisé, un véritable impôt direct sur le dividende. Cette disposition serait encore pour certaines compagnies en contradiction formelle avec l’esprit du contrat qu’elles ont passé avec l’état, en contradiction même avec le texte qui prévoit le cas de négociation de leurs valeurs. Il n’est pas en effet une seule de ces entreprises qui ait pu concevoir que, lorsque l’état l’autorisait à créer des actions, des obligations, c’est-à-dire à faire appel au crédit pour réunir les capitaux nécessaires à l’exécution des travaux qui lui étaient confiés, il pourrait lui être interdit un jour de faire coter la valeur de ses titres sur le marché français, en d’autres termes qu’il pourrait lui être interdit de s’adresser au crédit.

L’abonnement serait donc facultatif ? Mais alors il serait évidemment refusé par les assemblées générales des actionnaires, et cela pour deux raisons :

La première, c’est que ces assemblées sont principalement composées d’actionnaires qui ont, dans une certaine mesure, engagé leurs capitaux à titre de placement, et ils ne consentiraient pas facilement à prélever sur le dividende des actions, c’est-à-dire sur leur revenu, le prix de mutations profitables surtout à la spéculation, à la création de nouvelles entreprises ;

La seconde, c’est que ce prix ne serait pas seulement celui du droit de mutation des actions, mais encore devrait comprendre le prix du droit de mutation des obligations.

Ainsi, dans l’état actuel des choses, quant à l’impôt du timbre, quoiqu’il paraisse faible sur chaque titre, comme les compagnies doivent à leurs prêteurs le paiement intégral de l’intérêt du prêt, cet impôt grève en définitive uniquement les actions, qui sont obligées de l’acquitter et pour elles-mêmes et pour les obligations ; et de la sorte supportent une charge assez lourde. On a vu que pour la compagnie de l’Ouest, qui a trois cent mille actions, cet impôt monte déjà aujourd’hui à 261,000 fr., et il doit encore augmenter, puisse, pour l’exécution des nouveaux travaux qui lui restent à exécuter, la compagnie aura de nouveaux emprunts à contracter.