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est vrai qu’un impôt de mutation soit une entrave à cette facilité de transmission, enfin s’il est vrai que les capitaux se porteraient de préférence sur les valeurs et sur les marchés où ils ne rencontreraient pas cette entrave.

Que la richesse mobilière s’accroisse, se multiplie en quelque sorte par la rapidité de la transmission de ses valeurs, voilà, croyons-nous, ce qui n’a pas besoin d’être démontré. Pour ne pas le reconnaître, il faudrait n’avoir jamais regardé ce qui se passe tous les jours sur une place quelconque. Sans aucun doute, les actions des entreprises industrielles sont ; comme nous l’avons dit de véritables coupures de titres de propriété ; mais aussi, grâce précisément à la facilité de leur transmission, elles participent de la nature des valeurs commerciales. En effet, lorsque des valeurs industrielles sont toujours négociables sur un grand marché, bien qu’à des taux essentiellement variables, elles sont dans une certaine mesure comme des capitaux disponibles, tant la réalisation en devient aisée. Supposez au contraire que ces valeurs soient d’une négociation difficile, — le produit restant le même, augmentant si l’on veut, — à l’instant elles sont dépouillées d’une partie de leur caractère, ce ne sont plus que des titres de propriété immobilisés en quelque sorte ; elles ne peuvent plus faire l’office de capitaux disponibles, et perdent dès-lors une partie de leur puissance productive.

Or qu’on examine ce qui a lieu, surtout dans les momens d’abondance, de confiance. Combien d’entreprises se créent chaque jour, naissent pour ainsi dire du mouvement incessant des valeurs mobilières, par cela seul que chaque jour on peut acheter, vendre les titres de ces valeurs presque avec la même facilité que l’on va échanger un billet de banque contre du numéraire, par cela seul qu’au moyen de ventes et de rachats à terme oh peut emprunter sur un titre, par cela seul que le capital y trouve pour un temps, si court que, ce soit, un emploi avant de se fixer !

Eh bien ! qu’on supprime tout cela, ou seulement qu’on y mette une entravé, et l’on verra bientôt : d’abord notre marché (qui devenait le premier du monde) peu à peu délaissé par les capitaux disponibles, qui trouvaient dans ces opérations de chaque jour des bénéfices suffisans, en attendant qu’ils se décidassent à entrer dans quelques entreprises ; puis ces entreprises se formant plus rarement, plus difficilement en présence des craintes que nous avons signalées et des difficultés de réalisation des capitaux lorsqu’ils y seront une fois engagés ; enfin le prix des capitaux augmentant et le changé tournant contre nous.

Voilà ce que la théorie et le raisonnement pouvaient indiquer au législateur de 1850, mais aussi ce que sa propre expérience lui enseignait