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lieu de 1,000 francs : ils n’auront en réalité rien à supporter, puisque le prix de l’achat sera diminué, comme on voit, du montant de l’impôt capitalisé d’après le taux de l’intérêt du placement. En établissant aujourd’hui un impôt direct sur le dividende des valeurs industrielles, on diminue donc à l’instant la valeur des capitaux engagés dans les grandes entreprises, c’est-à-dire des capitaux qui ont eu confiance dans la fortune de la France[1], tandis qu’on n’atteint pas ces capitaux flottans et de spéculation qui ne sont pas fixés, ni les capitaux qui pourront entrer plus tard dans nos affaires.

Pour nous résumer sur cette première question d’un impôt direct sur les dividendes des actions industrielles, nous dirons :

Que c’est après tout un impôt sur le revenu, seulement inéquitablement établi, puisqu’il ne frappe que sur les associations de capitaux, sans atteindre les industries semblables à celles exploitées par les associations : c’est donc en définitive un impôt contre l’association ;

Que pour les grandes entreprises qui existent en vertu d’actes de concession, c’est-à-dire de contrats passés entre l’état et des particuliers, l’impôt direct sur le dividende a de plus l’immense inconvénient d’être une diminution du prix stipulé, et ainsi une profonde altération du contrat, sans le consentement d’une des parties ;

Enfin que l’impôt direct a pour conséquence immédiate d’opérer une dépréciation considérable dans la valeur du capital engagé aujourd’hui dans les entreprises industrielles, et cela au grand détriment de la fortune publique.


II. – DU DROIT DE MUTATION.

Si l’impôt direct sur le dividende des valeurs mobilières est contraire au principe d’égalité ; si, pour les sociétés formées par suite d’actes de concession, il est de plus une profonde altération du contrat ; s’il est dangereux pour la fortune publique, n’est-ce pas au contraire rentrer dans l’application d’un principe général de nos lois d’impôt que de soumettre ces valeurs, quelle qu’en puisse être la forme, à un droit de mutation ? Nous répondrons, sans hésiter, que l’établissement d’un droit de mutation est à nos yeux parfaitement légal, qu’il ne blesse pas les principes au nom desquels nous

  1. Si l’on suppose que l’impôt produise 30 millions, c’est une dépréciation immédiate de 600 millions dans les valeurs industrielles qui circulent, c’est-à-dire dans le capital industriel du pays, sans compter même la dépréciation résultant des craintes d’un accroissement ultérieur d’impôts.