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Ainsi, pour prendre un exemple qui rende notre pensée plus saisissable, qu’est-ce qu’une action d’une société organisée pour l’exploitation d’une mine ?

Évidemment, c’est un titre qui constitue le porteur de cette action propriétaire d’une part aliquote de la propriété indivisible de la mine. Or les mines, qu’elles soient exploitées par des sociétés ou par de grands propriétaires, sont soumises, par la loi du 21 avril 1810, à deux sortes d’impôts : une redevance fixe, et une redevance proportionnelle au produit de la mine. Si donc on établit un impôt quelconque sur le dividende de l’action, c’est-à-dire sur le produit net, c’est un troisième impôt qu’on fait peser sur la mine de la société, et dont ne sera pas chargée la mine d’un propriétaire particulier qui, dans le même bassin, quelquefois en concurrence, possédera à lui seul une concession : de sorte que ce troisième impôt sera établi contre ce qui doit être le plus encouragé, contre ce qui seul, avec la division de nos, fortunes, a produit les grands progrès de notre industrie, contre l’association des petits capitaux, tandis que la grande propriété s’en trouvera affranchie !

Ce que nous disons d’une société formée pour l’exploitation d’une mine n’est pas moins vrai pour les sociétés de dessèchement de marais, d’exploitation de certains immeubles, de forges, de manufactures, d’entreprises maritimes, enfin pour toutes les sociétés industrielles.

À côté d’un propriétaire de hauts-fourneaux, d’un manufacturier, d’un armateur, qui ne seront soumis qu’aux impôts directs ou indirects qui peuvent aujourd’hui grever leur industrie, l’association qui exercera précisément la même industrie sera grevée d’un impôt de plus, par cela seul que ce sera une association. Cet impôt, prélevé directement sur le dividende, sera, quoi qu’on puisse dire, un impôt sur le revenu ; mais, moins équitable que celui que l’Angleterre supporte si impatiemment, au lieu d’être général et de frapper tous les revenus, il n’atteindra que les revenus des associations.

On voit déjà ce qu’a de peu fondé cette phrase si souvent répétée dans le monde : « Pourquoi les actions des entreprises industrielles ne sont-elles pas imposées ? » La réponse est facile : « C’est parce que ce ne sont que des titres de propriété d’industries, lesquelles paient déjà leur part d’impôt à l’état. » Et, quant à la différence de produit entre les valeurs mobilières et les valeurs immobilières, elle vient uniquement de la différence des risques à courir par les possesseurs, car, pour les entreprises comme pour les états, l’élévation du taux de l’intérêt d’un capital engagé est toujours en raison des risques que ce capital croit avoir à supporter.

Maintenant, si l’on envisage spécialement les grandes entreprises