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indigène déjà formée, et qui soufflait dans le même sens. Les ministres de François ne manquaient pas d’ailleurs de rattacher leurs projets à une tradition déjà ancienne, quoique interrompue par les événemens, à des actes qui remontaient aux plus beaux temps de la république. Ils rappelaient que, dès 1346, les magistrats s’étaient déjà fatigués de rencontrer trop souvent sur leur chemin une puissance indépendante de l’état, qui s’ingérait dans, les affaires purement civiles, et qu’ils avaient puni sévèrement les agens du saint office pour arrestation arbitraire. On avait même fait alors un règlement remarquable qui limitait les pouvoirs de l’inquisition, supprimait une partie de ses agens, fermait ses prisons, et, pour rendre ces dispositions statues, fondait un corps spécial et permanent de magistrats nommés les quatorze défenseurs de la liberté, chargés d’examiner tous les actes de juridiction émanés de la puissance ecclésiastique. » C’était en principe l’attribution même du parlement de France, aujourd’hui dévolue au conseil d’état, de vérifier avant la publication les bulles et décrets du saint siège, qui auparavant étaient exécutoires partout par le seul fait de la promulgation à Rome. En 1415, ce règlement, devenu lettre morte par l’influence des guelfes, fut renouvelé. Par un statut célèbre, il fut défendu à tous les citoyens de recourir à une juridiction étrangère, et aux tribunaux de la république d’admettre aucun acte émané d’une autre autorité que celle de la commune de Florence, sans l’autorisation expresse de la seigneurie. Au commencement du siècle suivant, deux papes de la maison de Médicis, Léon X et Clément VII, renversèrent facilement cette barrière, devenue d’ailleurs sans objet, puisqu’ils exerçaient eux-mêmes et l’autorité politique à Florence et l’autorité pontificale à Rome. Quand l’état fut définitivement transformé, en monarchie, la pensée du statut de 1415 fut de nouveau reprise par Cosme Ier, qui établit en 1546 un corps de magistrature permanent, reproduisant par ses attributions l’ancien collège des quatorze défenseurs de la liberté ; mais. Cosme songeait peu à la liberté, il ne voulait que se défendre lui-même contre Paul III, son ennemi. Abolie par Cosme III, relevée derechef par Jean Gaston, cette importante institution ne fut plus qu’une arme aux mains de l’arbitraire. L’idée qu’elle exprimait n’en était pas moins devenue, dans toutes ces alternatives, plus précise, plus générale ; c’était une véritable tradition, et à l’avènement de la maison de Lorraine il y avait à cet égard, dans le gouvernement toscan, un principe établi comme dans tous les autres gouvernemens catholiques de l’Europe. Partout en effet ces gouvernemens travaillaient alors à dégager l’ordre civil, à renfermer le pouvoir clérical dans le domaine de la croyance, et à dénouer cet entrelacement de deux puissances indépendantes qui luttaient sur le même sol, avec des prétentions mal