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hâta la fin de sa vie. Pour dernier trait de ressemblance, de même que Colbert fut le vrai promoteur de l’affaire de la régale et des quatre articles gallicans de 1682, Richecourt fut aussi l’un des plus ardens adversaires des privilèges ecclésiastiques et l’un des plus constans défenseurs de l’indépendance civile-, il osa enfreindre les lois de l’inquisition, forcer ses prisons, en arracher les captifs, et quand il fut question de limiter les acquisitions du clergé, il ouvrit le premier l’avis plus radical de vendre une partie des biens des couvens pour éteindre une portion de la dette publique.

Pompeo Neri avait dans sa jeunesse rempli à Pise une chaire de droit public, pendant qu’un autre réformateur du même esprit, mais plus célèbre parce qu’il fut porté sur un plus grand théâtre, Tanucci, futur ministre du roi de Naples, y enseignait le droit civil. Pendant dix années qu’il passa à Milan, Neri s’était lié avec Beccaria et les autres savans et philosophes de la Lombardie. C’est dans ces noms, alors populaires, et par conséquent dans l’opinion du temps, qu’il faut chercher la cause réelle de toutes ces premières tentatives d’émancipation, qui, pour avoir été insuffisantes ou mal conduites, devinrent plus tard des élémens de la révolution française. Le caractère de son esprit était la prudence et les ménagemens, par là il était en concordance avec les vues de François ; mais Léopold, dont il combattait les mesures précipitées ou extrêmes, se refroidit envers lui, et le regretta peu quand il mourut.

Moins circonspect que Neri, le sénateur Ruccellai unissait néanmoins à la hardiesse une grande dextérité ; il allait vite, mais par des détours ; il savait envelopper les choses, et avait pour principe qu’il est quelquefois bon de mettre dans, la rédaction des lois un vague et une latitude favorables aux interprétations inattendues qu’on pourrait vouloir un jour leur donner. Il avait des sentimens religieux qui n’amortissaient nullement la verdeur de son opposition au clergé. Ce fut lui qui exposa, dans un mémoire à la régence, la théorie souvent employée depuis, d’après laquelle a l’église, considérée comme propriétaire, n’est qu’une association autorisée, dont les lois de l’état ont fait une personne morale, laquelle personne morale dépend par conséquent des lois qui l’ont faite, aussi bien que toutes les autres associations et corporations autorisées, » d’où il suit que si l’état déclare la personne morale dissoute, ses propriétés tombent en déshérence, et l’état peut s’en emparer.

Ainsi, en Toscane comme ailleurs, un antagonisme déjà très animé entre le pouvoir civil et la puissance ecclésiastique se manifestait de lui-même ; un ordre nouveau cherchait spontanément à se dégager de l’ordre ancien. Si les vues particulières des princes lorrains donnaient plus d’activité à cette fermentation, longtemps étouffée par les grands-ducs de la maison de Médicis, il y avait aussi une opinion