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des mêmes vertus et des mêmes services. Il faut qu’il soit bien déçu pour s’en détacher ; il cherche alors une illustration nouvelle, et telle est la constitution vraie de l’aristocratie. Seulement c’est un travail pénible que de gagner toujours ce qu’on a acquis, d’égaler ses aïeux et de mériter ce qu’on a. Les familles cherchent à immobiliser et à perpétuer par la loi les distinctions qu’elles ont obtenues de l’acclamation populaire et comme la richesse est une puissance qui mène à tout, elles profitent de leur influence acquise pour fortifier leurs dynasties par des privilèges de propriété. Ainsi l’aristocratie se construit en sous-œuvre un fondement matériel ; pour remplacer son principe originaire, qui, étant moral et supposant des efforts continuels, semble trop souvent crouler sous elle. Telle est la marche que suivirent jusqu’à un certain point, les familles : puissantes de Florence et de Sienne ; mais ce fut surtout après le renversement de la république que cette constitution artificielle de la noblesse toscane se développa. Les grands-ducs de la maison de Médicis, ayant exilé, ruiné, ou fait périr les meilleures races patriciennes de la république, jugèrent nécessaire de se créer ; une noblesse à eux ; ils favorisèrent les substitutions, les fidéicommis ; une partie considérable du territoire fut grevée de ces liens, qui enchaînent la terre à telle ou telle famille, pour donner à celle-ci l’indépendance, le luxe et le repos, comme gages de la prospérité générale.

Le gouvernement réformateur du grand-duc François résolut, sinon d’abolir tout d’abord, au, moins de circonscrire ces privilèges et d’en affaiblir toutes les conditions. Premièrement il allégua que les substitutions, portant presque toutes sur des biens ruraux, nuisaient à l’agriculture, grand objet aussi de ses sollicitudes. « Ceux qui en jouissent, disait-il, n’étant qu’usufruitiers, ne s’inquiètent que du revenu annuel ; ils négligent nos plantations méridionales si riches (mûriers, oliviers, etc.), qui imposent des sacrifices pour un avenir lointain, et qui pour le moment n’augmentent progressivement que la valeur du fonds ; ils négligent les grandes améliorations foncières dont les résultats sont aussi fort éloignés et souvent incertains ; ils découragent le cultivateur, fermier ou métayer, dont ils tirent avec rigueur tout ce qu’il est possible d’en tirer, rompant ainsi le lien si moral et si fructueux qui attache des générations de travailleurs à des propriétaires unis à eux par le même intérêt et par des souvenirs héréditaires » La loi défendit donc de substituer des terres ; cette charge ne fut plus applicable qu’aux capitaux, des rentes inscrites au grand-livre de la dette publique et aux objets d’art, pierres précieuses, manuscrits rares, etc. La faculté d’établir de nouvelles substitutions fut accordée aux seules familles nobles, disposition qui ne semble pas en préparer seulement l’extinction ultérieure, qui en neutralise aussi l’effet politique, parce que, pour former une aristocratie