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qu’un pays et qu’un seul peuple, les Séminoles, dont le nom revient parfois dans les journaux ; qu’on lise l’histoire de l’expédition de Sotto, qu’on parcoure les voyages de Bartram en Floride, et on restera convaincu de tout ce qu’il y a de peu fondé dans les appréciations qui nous occupent.

M. de Gobineau se tient dans une sage réserve au sujet de la civilisation alléghanienne, dont nous ne savons à peu près rien ; il est bref et sévère dans ses jugemens sur les civilisations péruvienne et mexicaine. Examinant ensuite ce qu’il faut attendre des colonies européennes, il a naturellement le plus profond dédain pour ces Portugais, ces Espagnols, déjà cent fois métis, qui ont encore abaissé leur sang et leur race par de nouveaux croisemens avec les nègres ou les Américains. Au nord seulement, il aperçoit un groupe blanc relativement pur, celui des Anglo-Américains ; mais là aussi le mélange des races a porté ses fruits. Quoique fier encore de son vieux nom de Saxon, l’habitant des États-Unis n’est qu’un fils bien dégénéré des anciens Scandinaves. Cependant il a conservé l’énergie native de sa race, et le chasseur du Kentucky, appuyé sur son rifle, représente pour les peuples mélanisés du sud le Longobard, le Frank, le civilisateur des siècles passés. À lui donc est réservée la conquête légitime de tout le nouveau continent ; mais là s’arrêtera sa puissance. Chaque jour, de plus en plus noyée dans le flot d’émigrans irlandais, allemands, français, italiens, etc., la population des États-Unis marche vers l’anarchie ethnique tout aussi bien que les nations européennes. Tout se réduira donc pour elle à une prise de possession matérielle que rien ne saurait empêcher, si ce n’est peut-être une guerre éclatant dans son propre sein ; mais elle est déjà trop viciée pour rien enfanter de nouveau, trop affaiblie pour nous retenir sur la pente qui mène à l’abîme.

L’humanité, d’après M. de Gobineau, ne vit que par la race blanche ; encore faut-il entendre par là le grand tronc aryan presque seul. Or en réalité cette race a disparu. Après avoir passé l’âge des dieux, où elle était entièrement pure, l’âge des héros, où les mélanges étaient modérés de nombre et de force, l’âge des noblesses, où des facultés grandes encore n’étaient plus renouvelées par des sources taries, elle s’est acheminée vers la confusion définitive par suite de ses hymens hétérogènes ; elle n’est plus représentée que par des hybrides. Le sang aryan, sans cesse dilué, atteindra bientôt les termes extrêmes de sa division. Alors s’ouvrira l’ère de l’unité. Dans chaque homme, le principe blanc sera aux élémens inférieurs dans le rapport de 1 à 2, proportion d’autant plus déplorable qu’elle viendra à la suite d’une infinité de mélanges, c’est-à-dire de flétrissures. Alors aussi régnera en tout et partout une médiocrité absolue bien proche du néant. « Les nations, non, les troupeaux humains, accablés