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la race blanche témoignerait donc en faveur des idées que j’ai soutenues bien plus qu’il ne serait favorable à celles que je combats.

L’auteur reconnaît, il est vrai, que l’Italie d’abord et la France ensuite donnèrent le signal de la grande renaissance d’où date l’ère moderne ; mais il est aisé de comprendre que le caractère essentiellement helléno-romain de ce mouvement ne saurait lui plaire. Bien loin d’y trouver un progrès, il y voit le signe de la résurrection ethnique du passé, le présage d’une confusion de sang qui nous ramènera à une romanité nouvelle, en fondant toutes les races : il y voit, par conséquent, le présage d’une rapide et inévitable dégradation. Déjà, à l’en croire, le mal a fait de terribles progrès et se propage de plus en plus en remontant vers le nord. L’Italie, l’Espagne, la France méridionale et centrale, la Grèce, la Turquie, les contrées danubiennes sont toutes gangrenées à des degrés divers ; l’Autriche se défend en vain, grâce à ses Magyars, qu’on est quelque peu surpris de trouver si rapprochés des Scandinaves ; la Prusse n’est pas plus heureuse ; la Russie, toute peuplée de Slaves, est condamnée d’avance. En somme, les seuls points où un reste de vie se débat encore contre le triomphe infaillible de la confusion romaine est le territoire que circonscrirait une ligne partant de Tornéo, enfermant le Danemark et le Hanovre, descendant le Rhin jusqu’à Bâle, enveloppant l’Alsace et la Haute-Lorraine, suivant à peu près le cours de la Seine et se repliant pour embrasser l’Angleterre et l’Islande.

Ainsi donc il n’y a plus rien à espérer de l’Europe. Sur tout son territoire, la fusion des races, c’est-à-dire la dégénérescence ethnique, qui entraîne toutes les autres, est accomplie ou sur le point de s’accomplir, et l’agonie de ses sociétés a déjà commencé. Est-il quelque autre point du globe où l’humanité régénérée puisse enfanter des civilisations nouvelles ? L’Amérique en particulier réserve-t-elle au genre humain des destinées encore inaperçues ? M. de Gobineau ne le pense pas. Les races américaines sont pour lui les restes, les traînards de la grande invasion jaune dont nous avons parlé plus haut. À ce titre, elles ne peuvent pas par elles-mêmes s’élever au-dessus de l’état de tribus errantes et sauvages. Leurs instincts sont d’ailleurs foncièrement mauvais. Sur ce point, l’auteur accepte sans discussion tout ce qu’ont dit de pire des aborigènes américains les voyageurs qui, comme MM. Spix et Martius, n’ont guère vu que les débris des tribus traquées depuis la conquête, ou leurs descendans abrutis par la persécution et un véritable esclavage. Ce n’est pas à l’aide de pareils témoignages ni sur de semblables spécimens qu’il faut apprécier ces malheureuses populations. Autant vaudrait juger de la race celtique d’après les écrits de certains orangistes et les exploits nocturnes des white-boys irlandais. C’est aux premiers voyageurs, aux anciens missionnaires, qu’il faut s’adresser. Ne citons