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voulait briser l’unité entre l’Italie et la Gaule, avoir son empire, avoir son empereur sous la fédération romaine, tout en conservant les lois, la civilisation, la religion de Rome. C’était ce parti actif et remuant qui entretenait une agitation perpétuelle dans les Gaules toutes les fois que ce grand pays n’était pas le siège de l’empire occidental, c’était lui qui suscitait des tyrans, et il portait à la maison de Théodose une inimitié implacable. Si Apollinaire aimait dans Constantin le libérateur de la Gaule, Rusticus estimait surtout le tyran. Constantin, en le nommant son maître des offices, lui confiait la surveillance des autres fonctionnaires et la police générale de l’état : chargé d’organiser la nouvelle administration, il y plaça vraisemblablement beaucoup d’hommes qui lui ressemblaient.

Quant à Héros, le troisième personnage dont j’avais à parler, C’était un homme savant et pieux, qui avait suivi la discipline monastique sous la direction même de saint Martin, et se fit plus tard un renom parmi les docteurs de l’église dans la querelle du pélagianisme. De grands saints, et en particulier saint Augustin, professaient pour lui une estime profonde. Avait-il connu Constant dans les monastères de Ligugé et de Marmoutier, à l’époque où tous deux portaient le froc ? ou le souvenir de leur commune profession suffit-il pour les rapprocher ? On ne saurait le dire ; mais ils se lièrent bientôt d’une amitié fidèle : Constantin fut pour Héros un protecteur, et celui-ci le paya d’un dévouement qui ne se démentit point dans le malheur. Le nom grec d’Héros paraît indiquer qu’il était né dans une des colonies grecques de la côte, peut-être dans Arles même, où les idiomes hellénique et latin se parlaient concurremment, et où la liturgie admettait encore au VIe siècle des chants alternatifs dans les deux langues. Quoi qu’il en soit de l’origine d’Héros, les habitans d’Arles le désirèrent pour évêque, et se trouvèrent en cela d’accord avec Constantin. Héros à son tour, par l’autorité du nouvel empereur et par sa propre influence, fit nommer à l’évêché d’Aix un autre disciple de saint Martin, appelé Lazare, son compagnon au cloître, son second dans les luttes théologiques contre la, doctrine de Pelage. Lazare, qui osa monter sur ce trône épiscopal encore sanglant, sut y rétablir la paix.

Tout en donnant ses soins aux affaires civiles, le tyran n’avait pas oublié ce qu’il devait à la Gaule et ce que la Gaule attendait d’abord de lui. À peine installé, il s’était mis en campagne contre la horde alano-vandale, qu’il balaya de la frontière narbonnaise, puis il l’attaqua résolument corps à corps, et la défit dans une grande bataille. Elle essaya de se rallier, mais il la poursuivit de proche en proche, jusque dans l’angle que forment à l’extrémité sud-ouest des Gaules les Pyrénées et l’Océan, et il l’y tint, comme assiégée.