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en libératrices, et Vienne, ainsi que Valence, s’était empressée de leur ouvrir ses portes. Justinus, placé à l’avant-garde du premier corps, vint donc donner en plein dans l’embuscade de Sâr. Attaqué à l’improviste, il se laissa troubler, sa troupe voulut fuir ; mais, embarrassée par les obstacles du terrain, elle fut coupée, culbutée dans le Rhône ou massacrée. Justinus périt en combattant. Constantin, qui réussit à s’échapper, regagna Valence, où il se renferma avec ce qu’il put rallier de fuyards. Sur ces entrefaites arriva le second corps d’armée commandé par Néviogaste, qui, avant d’en venir aux mains, voulut s’expliquer avec le général de l’empereur, et lui fit proposer une conférence que celui-ci accepta. Un lieu assez voisin du camp romain fut choisi pour l’entrevue ; on convint de l’heure, et les garanties et sermens d’usage furent échangés mutuellement ; mais lorsque, sous la sauvegarde de la foi jurée, Néviogaste s’y rendait avec confiance, des hommes apostés par Sâr fondirent sur lui et le tuèrent. La division gauloise, privée de son chef, fit retraite dans le plus grand désordre jusqu’au-delà de Valence, et le général d’Honorius vint mettre le siège devant cette ville, persuadé qu’il tenait déjà Constantin. Celui-ci ne perdit point courage, et, par une défense vigoureuse, laissa à la division de Néviogaste le temps de se reformer et à la réserve celui d’arriver.

Le siège durait depuis sept jours sans, beaucoup de progrès de la part des assiégeans, lorsqu’on apprit que la réserve approchait. La présence de Gérontius, esprit plein de ressource et de décision, sembla changer subitement la face des choses, en inspirant autant de découragement à l’ennemi que de confiance aux assiégés. Sâr, qui n’était venu en Gaule que pour un coup de main, pour surprendre, tuer ou enlever le tyran, et non pour faire une guerre en règle contre des forces supérieures, jugea sa mission terminée. Comme le temps pressait, il se mit à piller les campagnes voisines, entassant dans ses chariots tout ce qui tomba sous sa main ; puis il leva le siège et reprit le chemin de la montagne avec autant de promptitude que le permettait l’énorme quantité de butin qu’il traînait après lui. Sa richesse faillit le perdre. Les mêmes montagnards qui l’avaient laissé entrer sans opposition, lorsqu’il était à peu près nu, l’attaquèrent au retour quand ils le virent si riche ; ils se mirent en bagaudie, suivant le mot des historiens, c’est-à-dire en état de brigandage, et tous, alertes, acharnés à leur proie, faisant pleuvoir sur sa troupe perpétuellement rompue des avalanches de rochers, enlevant ses bagages, égorgeant ses traînards, ils finirent par l’emprisonner dans un vallon sans issue. Pendant ce temps, Gérontius le suivait à la piste et allait bientôt l’atteindre. Il était perdu, lui et les siens, si les montagnards n’eussent consenti à les laisser partir