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engageait Canada à se trouver à Paris le jour même. Mme Rose regarda le pêcheur.

« Que pensez-vous que cela veuille dire ? » lui demanda-t-elle.

Canada tourna son bonnet vingt fois dans ses mains : « On ne peut pas savoir, dit-il enfin ; le plus sûr est d’y aller.

— Oh ! c’est bien à quoi je suis décidée. Savez-vous seulement où est M. de Réthel ? reprit Mme Rose qui déjà avait jeté un châle sur ses épaules.

— Oh ! pour ça, oui ! »

Sans perdre une minute, Mme Rose écrivit deux lignes à M. de Francalin pour lui annoncer son départ. « Demain vous aurez de mes nouvelles, » ajouta-t-elle. Une voiture vint, qui la conduisit sur-le-champ à Paris avec Canada. Les quelques mots qu’elle put tirer de Canada pendant la route lui firent bien voir que le moment qu’elle avait redouté était proche. Elle ne savait même pas si elle arriverait à temps pour essayer un effort suprême. Une sorte de fièvre l’agitait ; elle regardait à tout instant par la portière pour voir si Paris était encore loin.

Le pêcheur prit un fiacre à la barrière et poussa droit à la rue du Faubourg-Saint-Denis.

« C’est ici, dit-il en arrêtant le cocher devant une maison d’assez pauvre apparence ; demandez à présent M. Laforêt. »

Mme Rose jeta ce nom au portier en tremblant.

« Montez ! » lui dit cet homme qui l’examina curieusement.

Elle remercia Dieu et grimpa l’escalier. Le cœur lui battait à l’étouffer. Qu’allait-elle dire pour sauver Olivier d’une dernière folie, la plus périlleuse de toutes ? Canada la suivait à grand’peine. Il lui cria de s’arrêter devant une porte située au troisième étage, et frappa trois coups d’une certaine façon. M. de Réthel ouvrit lui-même. À la vue de sa femme, il fronça le sourcil et regarda Canada.

« C’est elle qui l’a voulu, dit le pêcheur ; est-ce qu’on ne se jetterait pas à la rivière, si elle l’exigeait ? »

Tambour, qui avait suivi la voiture en courant, se glissa entre les jambes de Canada et sauta sur M. de Réthel. Malgré la gravité de la situation, le comte ne put s’empêcher de sourire.

« Si M. de Francalin était ici, ce serait comme à la Maison-Blanche, dit-il.

— Il va venir, répliqua Mme Rose ; il se joindra à moi pour vous supplier de renoncer à toute entreprise nouvelle.

— Ah ! pourquoi êtes vous venue ? J’espérais vous éviter cette dernière secousse. »

Il y avait dans le visage du comte un mélange d’attendrissement et de résolution qui frappa Canada lui-même. Mme Rose s’empara des