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subi des modifications analogues dictées par un libéralisme compatible avec l’état et les mœurs du pays. Il n’y a certes aucune raison pour dissimuler la haute et sérieuse influence qu’a exercée dans ces délibérations l’ambassadeur de France, M. Thouvenel, dont l’esprit net et décisif s’est heureusement employé à faire prévaloir les solutions les plus larges et les plus équitables.

Ce n’était pas tout cependant. Dans les travaux préliminaires de la réorganisation des principautés, il y avait à résoudre une difficulté qui était dans l’esprit de tout le monde, parce qu’elle conduisait en quelque sorte au seuil de la grande question, celle de l’union possible de la Valachie et de la Moldavie. Dans son firman primitif, le cabinet turc interdisait aux divans de s’occuper de toute matière contraire aux droits de suzeraineté de la Porte-Ottomane ou aux anciens privilèges des deux provinces, ce qui voulait dire qu’on ne devait pas s’occuper de la fusion des deux principautés. En outre le commissaire ottoman à Bucharest était chargé de veiller a l’efficacité de cette interdiction, et il lui était assigné une place à part entre l’administration des provinces et la commission européenne. À quel titre le commissaire ottoman eût-il exercé une action toute spéciale ? Le traité de Paris ne la lui attribue pas ; il ne lui confère pas un droit et un rang particuliers dans la commission européenne. Cette prétention était donc inadmissible. Quant à l’interdiction formulée dans le premier firman, la France s’était trop nettement prononcée pour qu’il fût possible de laisser subsister quelque ambiguïté, et la conférence de Constantinople n’a point hésité à accepter une rédaction nouvelle qui ne prescrit rien, qui n’interdit rien, qui laisse toute liberté. C’était là l’essentiel. On a dit que le nouveau firman semblait contenir encore une prohibition dissimulée, qu’il y avait tout au moins une défense par prétention. Il n’en est rien certes, et Rechid-Pacha lui-même a admis la pleine liberté des divans dans l’expression de tous leurs vœux. Le grand-vizir s’est borné à réserver son opinion sur le fond de la question, et les représentans des autres puissances ont adhéré à cet avis, ajournant tout débat jusqu’aux délibérations du congrès qui s’ouvrira après les travaux de la commission européenne des principautés. La question demeure donc intacte ; elle est renvoyée au seul juge compétent, à la population roumaine. On a fait quelque bruit de l’article publié par le Moniteur à la suite du dernier firman, et même cet article a retenti jusque dans le parlement anglais. Quel est cependant le sens de cet article ? Il reconnaît la juridiction souveraine de l’Europe ; il publie une opinion professée par la France dès l’origine, et il dit aux populations des principautés : Vous avez le droit de faire connaître vos besoins et vos vœux dans toute leur extension, même le vœu de la réunion de la Moldavie et de la Valachie. Toute la question est de savoir si cette réunion est conforme aux intérêts des principautés aussi bien qu’aux intérêts de l’Europe, et si elle est possible. Quelques journaux étrangers ont affecté de ne voir dans cette combinaison que la pensée de placer un prince étranger sur un trône indépendant. Rien de semblable n’a été proposé et n’est soutenu. — Mais alors, objecte-t-on, comment trouver un prince national pour commander à cet état nouveau ? On nous permettra de faire observer que s’il est difficile de trouver un prince, il doit être plus difficile encore d’en trouver deux. Apparemment, si l’Europe adoptait une telle combi-