Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/927

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de droit naturel d’opposer à l’ennemi les armes dont il se sert ; il ajoute que les dispositions du décret auront leur cours jusqu’à ce que l’Angleterre ait reconnu que le droit de guerre est un et le même sur terre et sur mer, qu’il ne peut s’étendre ni aux propriétés privées, ni à la personne des individus étrangers à la profession des armes, et que le droit de blocus doit être restreint aux places fortes réellement investies par des forces suffisantes.

Certainement il y a des erreurs historiques dans ce préambule, mais les principes qu’il proclame sont d’une largeur que la déclaration du 16 avril elle-même, plus pratique et plus acceptable pour tout le monde, n’égale pas, puisqu’elle ne détruit point, au moins explicitement, le droit de capturer les navires marchands ennemis, lorsque ce droit est exercé par des navires de l’état : elle n’ôte ce droit qu’aux corsaires ; n’importe, la réforme est faite, et toutes les conséquences logiques en seront certainement déduites. Le vœu de voir le droit de la guerre reconnu le même sur terre et sur mer, généreusement formulé en 1806, peut être considéré comme accompli en 1856, et si même l’on devait s’en tenir strictement à la lettre des quatre articles de la déclaration du 16 avril, cet acte, dont la France a pris l’honorable initiative, n’en serait pas moins un des titres les plus glorieux de la diplomatie contemporaine, et c’est comme tel qu’on doit le soutenir en face de l’Amérique récalcitrante.

Il nous reste à examiner le caractère de cette résistance des États-Unis à une transaction qui, bien évidemment, ouvre une ère nouvelle au droit international et dépouille l’avenir de la rouille du passé. Il y a quelques mois, une dépêche du ministre des affaires étrangères de l’Union américaine était livrée à la publicité. M. Marcy annonçait, sans trop s’arrêter sur les derniers articles de la déclaration du 16 avril, que le gouvernement américain repoussait formellement le premier, c’est-à-dire celui qui prononce l’abolition de la course. Il ajoutait cependant que « les États-Unis consentiraient à l’abolir, si les puissances voulaient adopter, d’un commun accord, le grand principe de l’inviolabilité de la propriété privée sur mer comme sur terre. » Telle est la contre-proposition de ce gouvernement.

Sans doute le principe invoqué par le ministre américain est des plus respectables. Il a dû rencontrer et il a rencontré en effet de nombreuses sympathies en France. C’est celui que, dans le préambule du décret de Berlin, Napoléon déclarait vouloir faire triompher, et qui ressortira logiquement, tôt ou tard, de la déclaration du 16 avril 1856. Cependant comme en pareille matière il faut ne s’engouer systématiquement de rien, pas même de ce que l’on considère comme vrai et juste, comme il faut au contraire tourner et retourner les questions afin de les examiner sous toutes les faces, voici une observation qui peut expliquer l’espèce de réserve avec laquelle j’ai