Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/925

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

celle du 29 nivôse an VI (18 janvier 1798), qui régla l’état des navires d’après l’origine de la cargaison. En conséquence, tout navire chargé en tout ou en partie de marchandises anglaises fut de bonne prise. C’était revenir aux maximes brutales de Louis XIV.

Toutes ces violences réciproques étaient fort déplaisantes pour les neutres ; mais ce fut l’Angleterre qui, disposant de plus de moyens d’action que nous, mit surtout leur patience à l’épreuve. Le droit d’arrêter la contrebande et celui de saisir la marchandise ennemie sur les neutres, quand on n’admet pas la liberté de leur pavillon, impliquait le droit de visite. Le traité d’Utrecht avait soumis l’exercice de ce droit entre la France et l’Angleterre à des formes assez douces, qui se bornaient à l’exhibition des papiers de bord. Depuis, on était à peu près convenu partout que, lorsque des bâtimens de guerre convoient des navires du commerce, la déclaration du commandant militaire sur l’état de ceux-ci et sur la nature de leur chargement devait être admise et tenir lieu de toute visite ; mais à l’époque des guerres de la révolution, les Anglais exercèrent le droit de visite d’une manière dure et vexatoire, n’admettant pas même la déclaration des chefs militaires. Il est peu de personnes qui ne connaissent l’histoire de la frégate danoise la Freya, qui, le 25 juillet 1800, soutint un combat honorable contre des forces supérieures plutôt que de laisser visiter six navires marchands qu’elle escortait. Cet événement fit une très grande sensation et provoqua la seconde neutralité armée du Nord entre la Russie, la Suède et le Danemark, publiée le 27 février 1801. Aux clauses de la déclaration de 1780 on ajouta naturellement celle qui naissait de la circonstance, savoir que « il suffit que l’officier qui commande un ou plusieurs vaisseaux de guerre convoyant des bâtimens marchands déclare que son convoi n’a pas de contrebande, pour qu’il ne s’y fasse aucune visite. »

La seconde neutralité du Nord, à laquelle la Prusse avait accédé, fut mise au néant par la puissance de la flotte anglaise, qui, après une victoire chèrement payée, força le Danemark à s’en détacher, et surtout par la mort terrible et inopinée de l’empereur Paul. Cependant le successeur de ce prince, quelque hâte qu’il eût de se jeter dans les bras de l’Angleterre, ne pouvait avouer qu’il abandonnait purement et simplement la cause des neutres. De là le congrès de Saint-Pétersbourg, où fut signée, le 17 juin 1801, une convention par laquelle les intérêts les plus généraux des neutres étaient consacrés en termes assez vagues, la question du blocus jugée dans un sens qui se prêtait à d’assez complaisantes équivoques sans qu’on y reconnût néanmoins positivement le blocus fictif, mais d’où le grand principe du pavillon couvrant la marchandise était formellement écarté. Quant à la visite, il fut établi qu’elle pouvait avoir lieu même pour