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26 juillet 1778, puis formellement et directement par son adhésion à la célèbre déclaration de la Russie de 1780, base de la neutralité armée du Nord ; mais à cette époque l’Angleterre avait adopté d’autres maximes. Dans le courant de la guerre qui se termina par le traité d’Aix-la-Chapelle en, 1748, cette puissance avait déjà usé assez durement envers les neutres de sa supériorité maritime ; elle dépassa toutes les bornes dans celle de 1756. La France, connaissant son infériorité sur mer, avait ouvert aux étrangers le commerce de ses colonies, dont elle sentait qu’elle ne pouvait exercer le monopole ; mais l’Angleterre, prétendant qu’un état n’a pas le droit, à l’occasion d’une guerre, de changer son régime commercial pour se soustraire par ce moyen à certaines chances désavantageuses, fit saisir sur les bâtimens neutres les denrées provenant de nos colonies. Dans lia guerre d’Amérique, ou elle avait contre elle la France et l’Espagne, bien que sa suprématie maritime eût reçu plus d’une atteinte, elle se rendit fort incommode par ses exigences aux états du Nord, et chercha seulement à ménager un peu là Russie. Or il arriva que, par une de ces complications qui trompent tous les calculs, ce fut précisément de cette cour qu’elle ménageait que lui vint le désagrément diplomatique le plus sensible qu’elle pût éprouver. Elle avait envoyé à Catherine II le chevalier Harris, depuis lord Malmesbury, pour tâcher d’attirer à son alliance la Russie, dont elle aurait consenti à appuyer les vues sur l’Orient. M. Harris, n’ayant pas trouvé le comte de Panin, ministre de la tsarine, bien disposé pour son système, s’adressa à Potemkin, favori émérite de Catherine, qui fut sur le point d’en assurer le triomphe auprès de cette princesse. Le comte de Panin cependant renversa toute cette intrigue à l’occasion d’un fait qui semblait au contraire devoir en assurer la réussite : des navires russes avaient été saisis assez irrégulièrement par les Espagnols, et la tsarine en était fort irritée ; Panin en profita pour lui faire entendre qu’il serait digne d’elle et glorieux pour la Russie de proclamer et d’imposer pour jamais aux belligérans, quels qu’ils fussent, un système maritime qui consacrât définitivement les droits des neutres. De là la fameuse déclaration du 28 février 1780, dont les effets frappaient directement sur l’Angleterre, contrairement à la pensée primitive de Catherine, qui n’en recueillit pas moins toute la gloire d’un acte estimé avec raison le plus honorable de son règne, mais dont Panin avait seul apprécié la portée. C’est ce qui fit dire un jour à l’impératrice Marie-Thérèse, parlant de Catherine au baron de Breteuil : « Il n’y a pas jusqu’à ses vues les plus mal combinées qui ne tournent à son profit et à sa gloire, car vous savez sans doute que la déclaration qu’elle vient de faire pour sa neutralité maritime avait d’abord été arrêtée dans des termes et dans des vues absolument favorables à l’Angleterre. »