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un bâton, soulevés à un mètre de terre ; les angles sont attachés par de petits piquets, et les deux possesseurs des deux sacs ont un abri sous toile. Ainsi s’est trouvé résolu un grand problème ; on a évité le double inconvénient de trop charger les épaules du soldat, ou de transporter les tentes derrière l’armée par des moyens dispendieux et souvent impraticables. Nos soldats sont devenus mobiles et nomades comme les Arabes qu’ils poursuivaient. Cette tente a rendu de grands ; services en Crimée ; cependant elle a peu servi au milieu des rigueurs de l’hiver. Placée à la surface du sol, elle est trop froide ; ensevelie sous une couche de neige, elle est trop chaude, et l’air s’y corrompt trop rapidement.

La tente conique est faite pour seize hommes. Un seul montant, placé au centre, en soutient la voûte ; dans toute sa circonférence, elle est très solidement fixée au sol par deux systèmes de cordages. L’un est à demeure, l’autre est mobile et permet de soulever de 80 centimètres le tablier circulaire pour aérer l’intérieur. Ces tentes résistent victorieusement à la violence du vent. Les Turcs les préfèrent à toutes les autres ; ils y emploient un tissu très serré. Le sultan « nous en a livré un très grand nombre, qui étaient excellentes. Les nôtres étaient faites d’une toile à mailles ouvertes qui laissait tamiser la pluie. Moins chaudes et plus hygiéniques en été parce qu’elles étaient perméables à l’air, elles étaient froides en hiver ; pour remédier à cet inconvénient, on en mettait deux l’une sur l’autre.

Les tentes-marquises sont d’un établissement plus compliqué que les tentes coniques, et résistent mal aux coups de vent : c’est pourquoi on ne s’en est pas servi en Crimée pour abriter les soldats. Cependant elles sont plus hygiéniques et plus agréables à habiter. Les parois verticales des tentes-marquises cubent une masse d’air bien plus considérable ; elles sont extrêmement faciles à aérer, et l’on s’y meut comme dans une chambre ordinaire : aussi en a-t-on fait usage pour les malades. Les Anglais avaient dressé en été, pour leurs infirmeries régimentaires, des tentes-marquises de grande dimension. Chacune contenait vingt-quatre lits en fer et autant de tables de nuit. Le plancher était mobile et d’une extrême propreté. Chaque malade avait une descente de lit et un costume d’hôpital. Malheureusement une armée en marche ne pourrait traîner un matériel si lourd. Pour transporter une de ces tentes avec son mobilier, il eût fallu au moins vingt-cinq mulets. En hiver, ces tentes ont été remplacées par des baraques.

Le choix de l’emplacement pour une tente est d’une extrême importance. Il faut chercher l’air et éviter l’humidité, se porter sur des, lieux élevés et non dominés, faire des canaux de dérivation pour les eaux. Si en hiver, pour se préserver du froid, on entoure la tente