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mal et renaître la gaieté et les chants. Quelques cholériques, déjà froids et cyanoses, furent rappelés à la vie par ces mêmes excitans. Les douze cholériques qui restèrent furent débarqués à Smyrne, dans le petit hôpital de la marine française.

On trouve à Smyrne une magnifique caserne, pouvant contenir six mille soldats, que le maréchal Saint-Arnaud avait eu la pensée de transformer en hôpital pour nos troupes. Un célèbre établissement d’eaux thermales, qu’on appelle les Bains d’Agamemnon, est situé à quelques kilomètres de Smyrne. La route qui y mène passe sur l’emplacement d’un ancien temple d’Esculape, dont les vastes débris révèlent un édifice gigantesque que remplace un cimetière juif, sans ombre ni monumens. Cette route est commode et rend les communications très faciles entre la ville et les Bains d’Agamemnon. Le projet du maréchal était donc excellent ; il n’y fut pas donné suite, parce que l’on conçut sur la salubrité du pays des craintes sans fondement. Pendant qu’on hésitait, les Anglais, moins irrésolus, établirent à Smyrne un très grand hôpital. Dans l’hiver de 1856, n’ayant plus de malades, ils y mirent une brigade d’infanterie.

En quittant Smyrne, nous passâmes près de Ténédos, non loin des tombeaux d’Ajax, d’Hector et d’Achille, en vue du mont Ida et des champs où fut Troie. Chaque nom de ville ou de pays réveillait un souvenir classique. Nous entrâmes dans les Dardanelles, et, les yeux fixés sur la côte d’Asie, nous venions de dépasser Abydos, lorsque, quatre milles plus loin, nous vîmes succéder au silence une grande animation. Les Anglais construisaient un hôpital pouvant contenir trois mille malades. Le site était heureusement choisi, répondant à la fois aux exigences de l’hygiène et à celles de la stratégie. Plus loin, on trouvait encore deux hôpitaux : l’un était anglais et pouvait contenir trois cents malades, l’autre était français et possédait 420 lits. Ce dernier avait été établi dans un lazaret turc ; malheureusement on avait bâti quatre grandes salles au milieu même de la cour centrale, au lieu de les placer en dehors sur une petite colline qui descendait en pente douce vers le lazaret ; bette faute empêchait l’aération, et l’on a dû la regretter, surtout au moment où sévirent les maladies infectieuses et la pourriture d’hôpital.

Quand nous descendîmes à Gallipoli, je visitai l’hôpital français, et j’y trouvai aussi un vice d’installation. Pour utiliser un pan de muraille assez étendu, on avait commencé par élever des baraques en contre-bas au pied d’une colline, sans songer à la ventilation du sol. On reconnut bientôt, lorsque survint le choléra, les inconvéniens de cet emplacement. Par malheur, ces erreurs ne sont pas rares, et le plus souvent on les éviterait, si l’on consultait les médecins. Connaissant l’action efficace d’un air sans cesse renouvelé, le