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Une si noble descendance ne saurait se perdre sans forfaire à l’honneur. C’est pourquoi madame ma tante s’est mise en quête d’une personne à qui je puisse m’allier. Elle l’a trouvée, à ce qu’il paraît, et, bien que ma fiancée ne puisse prétendre à une origine aussi glorieuse, elle est de bonne souche et comtesse de son chef. Ma tante a souligné ces derniers mots dans un post-scriptum où, pour donner plus d’éclat à cette union des Francalin et des Valpierre, elle y ajoute l’appoint d’un demi-million.

Tout cela fut dit avec une extrême volubilité et d’un ton de persiflage sous lequel M. de Francalin espérait dissimuler sa colère.

— Et qu’avez-vous répondu ? demanda Mme Rose.

— Moi ! j’ai refusé.

— Pourquoi ?

Ce mot, dit simplement, fit tomber la verve factice de M. de Francalin, comme le plus léger choc abat un château de cartes.

— Mais, dit-il embarrassé, j’ai refusé parce que…. »

Il ne put aller plus loin, et s’arrêta court.

— Parce que vous m’aimez ! poursuivit Mme Rose.

Georges tressaillit à ce mot.

— Est-ce bien cela, et me démentirez-vous ? reprit-elle avec émotion.

— Non, répondit Georges, qui ne ricanait plus.

Mme Rose s’appuya doucement sur son bras. « Écoutez-moi, reprit-elle, et, au risque de vous faire de la peine, laissez-moi tout vous dire. Ce mariage qu’on vous propose, il ne faut pas le refuser. Pourquoi me sacrifier votre avenir et m’offrir un dévouement que je ne puis pas récompenser ? »

Georges vit bien, à l’air de Mme Rose, que l’entretien était sérieux. Il n’y avait en elle ni colère ni dépit, bien moins encore de coquetterie. Il en fut tout bouleversé.

— Mais, dit-il, que vous importe que je me marie ?… Pourquoi m’y contraindre ?… Je ne vous demande rien, et suis heureux comme cela.

— Croyez-vous que je ne souffre pas du chagrin que je vous fais ? Mais tout m’y force, reprit-elle. Bien plus même, quelles que soient vos résolutions à l’égard de ce mariage, il faudra que vous quittiez la Maison-Blanche…. Vous tressaillez, mon ami ? Si vous ne partiez pas, c’est moi qui partirais. Vous m’estimez assez pour que je vous parle franchement. Cette solitude où nous vivons est dangereuse pour tous deux. Croyez-vous donc que je n’aie pas tout compris depuis longtemps ? Le jour où vous m’avez engagée à déjeuner, je savais si bien que vous m’aimiez, que je suis allée seule à la Maison-Blanche, sans vouloir que Gertrude m’accompagnât. Qu’avais-je à craindre auprès de vous ?