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y allait encore de temps à autre ; mais on ne pouvait tirer aucune conséquence de ces voyages, qui étaient d’ailleurs fort rares et fort courts. Mme Rose rappelait, dans sa retraite d’Herblay, ces beaux oiseaux qu’un coup de vent a jetés sur des rives lointaines et qui s’y arrêtent quelque temps. On ne sait d’où ils viennent, on ne sait où ils vont.

Au plus fort de l’hiver, après deux mois de séjour à Maisons, et quand les branches de houx avaient remplacé les feuilles jaunes ramassées chaque matin et dont se paraient les jeunes gens, Valentin laissa voir une grande négligence dans la toilette de son chapeau. Souvent même il faisait de longues absences de plus en plus renouvelées ; mais quand il était à la Maison-Blanche, Georges était à peu près sûr de le trouver sur son passage aussitôt qu’il mettait le pied dehors. Un matin qu’il avait oublié de se couvrir de l’emblème protecteur, Valentin l’aborda résolument.

— Je connais ta solitude, lui dit-il ; elle a les cheveux châtains et les yeux bleus.

Georges se mordit les lèvres.

— Après ? dit-il d’un ton bourru.

— Oh ! ne te fâche pas ! Tu as le goût bon, et je comprends qu’on passe l’hiver auprès d’elle ; tu aurais dû seulement me prévenir plus tôt ; je ne t’aurais pas si longtemps dérangé.

Georges frappa du pied.

— Mais que crois-tu donc ? S’écria-t-il.

— Parbleu ! c’est assez clair. Tu habites le parc de Maisons, elle demeure à Herblay ; la Seine vous sépare, mais l’amour a jeté un pont sur l’eau, et vous faites à vous deux la plus jolie pastorale qu’on puisse voir ! Je m’explique à présent pourquoi tu courais si souvent chez le curé.

— Ne va pas plus loin ! s’écria Georges en saisissant le bras de Valentin ; je n’ai pas même baisé la main de Mme Rose.

Valentin partit d’un grand éclat de rire.

— Ah ! elle s’appelle Mme Rose, et tu en es là ! dit-il.

Georges regarda Valentin tout surpris.

— Tu la connais donc ; reprit-il.

— Point du tout ; mais à quoi bon ? Raisonnons un peu, s’il te plaît. Voilà une femme avec qui on ne voit ni père, ni frère, ni mari (j’ai bien pris mes renseignements), qui demeure toute seule à Herblay, et qui s’appelle Mme Rose ! Est-ce assez de preuves, ou de symptômes, si le mot te paraît trop vif ?

Valentin continua quelque temps sur ce ton de persiflage. Les arguments ne lui manquaient pas pour détruire les objections de Georges à mesure que celui-ci les produisait. La bonne réputation de Mme Rose ne témoignait qu’en faveur de son adresse ; cette charité