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lui tenait au cœur, et il ne croyait pouvoir trop prouver sa reconnaissance au dieu à qui il le devait après lui-même. Les Romains, délivrés des Gaulois, avaient autrefois élevé aussi sur le Capitole un temple à Jupiter conservateur pour avoir sauvé Rome : Domitien en élevait un à Jupiter qui l’avait conservé. Au sujet de ces temples, Stace, qui s’était déjà signalé à propos du palais, semble avoir voulu se surpasser : « Si tu redemandes aux dieux, César, ce que tu leur as donné, et si tu veux être leur créancier, quand on ferait dans l’Olympe une vente à l’enchère, et quand les dieux seraient forcés de se défaire de tout leur avoir, comment pourraient-ils s’acquitter de ce qu’ils te doivent pour les temples du Capitole ? »

Domitien avait élevé ou réparé plusieurs temples : parmi ces derniers, celui de Castor et de Pollux, celui d’Isis et de Sérapis ; parmi les premiers, deux monumens de famille, le temple de Vespasien et le temple des Flaviens.

Auguste et Tibère faisaient encore quelques difficultés pour se laisser rendre les honneurs divins. Caligula, moins timide, s’était bâti un temple, dont il s’était institué le desservant en compagnie de son cheval. Claude avait eu besoin, pour arriver aux honneurs divins, des champignons d’Agrippine. Galba, Othon et Vitellius n’avaient pas eu le temps de se faire adorer. Vespasien et Titus avaient trop d’esprit pour prétendre à ce ridicule honneur. Domitien, qui se faisait appeler seigneur, reprit la tradition de l’apothéose où Caligula l’avait laissée. Il se la donna d’abord à lui-même, en daignant, selon l’expression de Stace, s’abaisser jusqu’à prendre les traits d’Hercule dans un temple élevé à ce dieu, à quelques milles de Rome, sur la voie Latine ; puis il érigea un autre temple à son père, et enfin donna ce nom au monument sépulcral qu’il fit construire pour sa famille. Auguste s’était contenté d’un mausolée, il fallut à Domitien un temple. Vespasien, se sentant malade, s’écriait : « Voilà que je deviens dieu ! » Il aurait ri de ce rire ironique qui semble toujours près d’éclore sur ses lèvres, s’il avait su qu’il disait si vrai et qu’un temple lui serait consacré, à lui, ancien maquignon et fils d’usurier.

Domitien transforma l’humble demeure paternelle en temple des Flaviens. Les maisons des particuliers obscurs étaient souvent désignées par le voisinage d’une statue, d’un édifice remarquable, ou d’une enseigne de boutique. Domitien était né dans le quartier de la Grenade, sur le mont Quirinal ; c’est là qu’il construisit le temple de sa famille. On sait que les cendres de la fille de Titus, Julie, y furent déposées avec celles de son père et de son grand-père. Pour Domitien, il ne devait pas reposer dans le temple qu’il avait destiné à ses restes. Après qu’on l’eut tué, les soldats, furieux de sa mort, voulurent immédiatement le faire déclarer dieu. Le peuple était indifférent,