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Voilà justement ce que M. Brofferio lui reproche. — Quoi ! dit le député radical, une échauffourée a lieu à Modène, une insurrection éclate en Sicile, une souscription est ouverte pour offrir dix mille fusils à la première province qui s’insurgera, et vous ne faites rien pour appuyer ces manifestations ! M. de Cavour n’a rien fait vraiment pour seconder tout cela, et c’est justement pour cette raison que le cabinet de Turin reste un pouvoir conservateur dévoué à l’indépendance nationale, non à la révolution. Les dernières mesures adoptées en Lombardie, la levée du séquestre sur les biens des émigrés, semblaient rendre possible un rapprochement de convenance entre l’Autriche et le Piémont. Par malheur, un dernier incident est survenu : un sénateur piémontais, M. Plezza, a été expulsé de Milan. Cette rigueur outrée n’a point manqué d’être ressentie à Turin, et c’est ainsi que les nuages se succèdent entre les deux états.

L’Espagne à son tour rentre ou va décidément rentrer dans l’ordre constitutionnel. Après bien des épreuves, elle se replace par degrés dans les conditions où elle a vécu durant dix années jusqu’à la dernière révolution. Il y a quelques jours encore, une indéfinissable incertitude semblait peser sur toutes les situations au-delà des Pyrénées, et cette incertitude avait cela de grave, qu’elle pouvait entretenir les espérances des partis extrêmes. Le chef du cabinet espagnol, le général Narvaez, a senti la nécessité de ne plus laisser les esprits en suspens, et, avec autant de coup d’œil politique que de décision, il a proposé à la reine une mesure de premier ordre dans les circonstances présentes, la convocation des cortès. Le décret, qui a paru récemment, fixe au 1er mai la réunion des chambres. Si l’on remarque que les listes électorales qui servent à la nomination des députés doivent être en partie l’œuvre des municipalités, et que ces municipalités elles-mêmes n’existent pas encore, qu’elles vont être élues seulement d’ici à peu de jours, il sera facile de voir que l’époque fixée pour la réunion des cortès ne pouvait guère être plus prochaine, et cela seul indique à travers quelles difficultés le cabinet du général Narvaez a dû marcher depuis quelques mois. Il a fallu réorganiser l’administration publique, faire revivre en tous ses détails une légalité disparue, rajuster les pièces d’une machine mise en lambeaux par la révolution. Dans la pensée du gouvernement, la convocation des chambres n’est que le couronnement d’une série d’actes tendant à replacer l’Espagne dans un ordre régulier. Le sénat revient à la vie tel qu’il était en 1854, la veille de la révolution. C’est la loi électorale de 1846 qui va régler les prochaines opérations du scrutin pour la nomination des députés.

Qu’on ne croie pas que cette loi à laquelle on revient aujourd’hui soit une œuvre de réaction. En général, toute cette législation politique et administrative qui se rattache aux années 1845 et 1846, c’est-à-dire à l’une des périodes les plus actives du règne des opinions modérées, cette législation, disons-nous, est d’un esprit libéral autant que sage. La loi électorale en particulier n’est nullement restrictive. Il faut avoir vingt-cinq ans et payer 1,000 réaux de contributions pour pouvoir être nommé député. Un cens de 400 réaux ou 100 francs confère le droit d’élection, et ce cens est réduit de moitié pour les docteurs, licenciés, magistrats, professeurs, employés, officiers, en un mot pour tout ce qu’on nommait autrefois les capacités dans la langue politique.