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une crise monétaire, on demanderait volontiers au gouvernement de décréter le cours forcé des billets de la Banque. Les chemins de fer font-ils parfois trop sentir le poids de leur monopole, on en vient à penser que l’état devrait s’emparer de toutes les voies de communication. Si la vie devient difficile à Paris, c’est encore à l’état qu’on demande de décréter un maximum de location, ou, ce qui est bien mieux, de devenir le propriétaire universel. En tout cela, que devient la pauvre individualité humaine ? Elle disparaît dans une subordination vulgaire ; elle perd la conscience de son être, de ses droits et de son pouvoir, aliénant une à une toutes ses facultés. Et l’état lui-même, que gagnerait-il, si cette transformation pouvait se réaliser ? Ayant la responsabilité universelle, il deviendrait le point de mire de toutes les haines, de toutes les passions faméliques, qui lui demanderaient compte des souffrances qu’il n’aurait point épargnées. L’état a ses droits, qui sont des droits de gouvernement, et l’individu a les siens par le travail, par la prévoyance, par la pensée, qui constituent l’indépendance et la noblesse de la personnalité humaine.

Il y a depuis quelques jours en Italie un double et curieux spectacle. L’empereur d’Autriche a parcouru les états vénitiens, la Lombardie ; il est en ce moment à Milan. D’un autre côté, le Piémont vient d’avoir il y a peu de temps une brillante discussion parlementaire où les divers orateurs se sont efforcés d’expliquer de nouveau le rôle de leur pays au-delà des Alpes. Le voyage de l’empereur François-Joseph en Italie a cela de caractéristique qu’il a commencé gravement, froidement même, si l’on veut, et qu’il s’achève dans des conditions bien meilleures. À quoi cela est-il dû, si ce n’est au sentiment libéral dont le jeune souverain a laissé à chaque pas quelque témoignage, et qui vient de s’attester par une amnistie entière et complète ? En entrant en Italie, François-Joseph avait accordé quelques grâces partielles : il levait le séquestre mis il y a quelques années sur les biens des émigrés lombards. Arrivé à Milan, il a fini par promulguer cette dernière amnistie, qui dissout la cour spéciale établie à Mantoue et annule toutes les condamnations, toutes les poursuites pour causes politiques. Cette mesure semble avoir produit sur l’opinion une influence aussi soudaine que favorable, une influence qui serait sans nul doute plus durable, si l’empereur d’Autriche profitait de son séjour à Milan pour accomplir quelques réformes dans l’administration de la Lombardie. Rien ne peut faire certainement que l’Autriche ne soit point l’Autriche en Italie ; mais si les impériaux n’ont point la popularité, ils peuvent du moins désarmer dans une certaine mesure les susceptibilités nationales par un système d’administration équitable et intelligent. C’est un à-propos singulier assurément qui a mis en regard du voyage de l’empereur François-Joseph à Milan les discussions parlementaires récemment agitées dans le parlement de Turin. Une interpellation d’un député radical, de M. Brofferio, a provoqué le gouvernement à s’expliquer. Il ne s’agissait de rien moins que d’établir la position du Piémont après la guerre d’Orient. Le rôle qu’a joué le Piémont a-t-il été sans avantages pour lui ? Il a eu sa part dans la gloire commune, il a acquis le droit de se faire entendre sur les intérêts italiens, il s’est fait une grande situation. N’est-ce donc rien ? Il est vrai qu’après avoir parlé pour l’Italie, le Piémont n’a rien fait, c’est-à-dire que le cabinet de Turin est resté un gouvernement conservateur.