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a appelée l’affaire des bulletins électoraux. Les bulletins d’élections portant le nom des candidats peuvent-ils être librement distribués avant le scrutin ? Doivent-ils au contraire être soumis à l’autorisation préalable des pouvoirs administratifs ? La loi de 1850, qui prescrit cette autorisation pour la distribution et le colportage des livres, écrits et brochures, a-t-elle voulu comprendre dans ce mot d’écrits de simples bulletins de vote contenant un nom ou plusieurs noms, et rien de plus ? Voilà la question litigieuse qui a été déjà l’objet de plusieurs arrêts, qui a divisé la magistrature elle-même, que des jurisconsultes éminens ont traitée avec une grande force dans une lumineuse consultation, et que la cour de cassation à son tour vient de trancher souverainement dans le sens de la nécessité d’une autorisation préalable pour la distribution des bulletins électoraux, La difficulté que cette jurisprudence éprouve à s’établir indique assez la gravité de ces débats, auxquels s’attachait un intérêt politique de premier ordre, puisqu’il s’agissait de tracer les limites de la liberté électorale et de l’action discrétionnaire du pouvoir administratif.

La vie publique est un composé de bien des élémens dissemblables, de tous les faits qui se groupent, se succèdent et passent. À travers cette succession de choses qui ont un sens profond, qui sont le produit d’un esprit général, et qui finissent par former l’histoire d’une époque, n’y a-t-il pas un moment où on est tenté de se demander d’où on vient, quel chemin on a parcouru, où on est arrivé, et vers quel but on se dirige ? Le difficile est parfois de faire la réponse. — Où en sommes-nous ? C’est la question que M. le docteur Véron s’adresse à lui-même dans un livre auquel il a donné cet autre titre de Quatre ans de Règne, sans doute pour circonscrire ses recherches et leur donner un but précis. M. Véron est un homme heureux, qui protège la politique et les lettres, et qui se sent trop porté peut-être à donner des consultations avant qu’on ne les lui demande. Ces consultations ont du reste le mérite d’être désintéressées et de venir d’un praticien d’expérience. Où en sommes-nous ? se dit à lui-même M. Véron, et il promène son regard sur ces quatre années. Il compte les choses accomplies, il énumère les lois votées. La presse, le corps législatif, le sénat, le conseil d’état, les ministères, M. Véron passe tout en revue. On a là un résumé de la situation actuelle avec la biographie des hommes, avec le degré de température de chaque corps public, avec la décomposition du mécanisme des institutions et des lois. L’auteur de Quatre Ans de Règne décrit surtout, pour les avoir éprouvées, les anxiétés d’un directeur de journal, toujours obligé de savoir ce qui est permis et ce qui n’est point permis. Ces esquisses sont assez curieuses par un certain mélange d’optimisme et d’indépendance. Le livre de M. Véron eût peut-être fait moins de bruit sans une bonne fortune qu’il doit apprécier : il se trouve tout à coup l’objet des railleries et des critiques, qui lui arrivent parfois des points les plus imprévus. Pourquoi donc ces rigueurs inexpliquées ? Est-ce parce que M. Véron a écrit un livre de plus, un chapitre de plus de ses Mémoires d’un Bourgeois de Paris ? Ce n’est pas probable ; c’est peut-être alors parce que dans ces pages de Quatre Ans de Règne le bourgeois de Paris exprime respectueusement l’opinion que, toute garantie laissée à l’ordre public, il n’y aurait qu’avantage à alléger les conditions de la presse, à donner un peu de jour aux discussions du corps législatif. C’est là en définitive la