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qu’elles ont de général et par conséquent de plus périlleux, pour les ramener à ce qu’elles ont de particulier ou de pratique. La question d’Orient est donc sortie heureusement encore une fois de la région des complications. Ce n’est plus à Paris qu’elle s’agite ; après bien des détours et des voyages, elle est revenue à Constantinople. C’est là qu’une conférence spéciale vient de préparer, d’accord avec le gouvernement du sultan, l’exécution d’une autre partie du traité du 30 mars. Des délibérations de cette conférence est déjà sorti le firman qui doit convoquer les divans dans les provinces de Moldavie et de Valachie. En un mot, c’est ici la question de la réorganisation des principautés qui commence. Une chose à remarquer dans ce firman, préparé par les commissaires européens et adopté par la Porte, c’est qu’il ne préjuge rien sur le principe de l’organisation des provinces du Danube ; il n’interdit aucune combinaison, pas même celle de l’union des deux principautés. Des règles assez libérales présideront aux élections pour la composition des divans. De plus, bien que cela ne soit point spécifié dans le firman ; le grand-vizir s’est engagé à respecter l’expression de tous les vœux, les manifestations électorales des candidats, et ici la surveillance de l’Europe sera, on doit le croire, assez forte pour maintenir l’efficacité pratique de cette garantie contre le mauvais vouloir trop évident des caïmacans actuels, qui n’ont d’autre pensée que de se transformer en hospodars définitifs. Cela ne signifie point assurément que la Turquie ait renoncé à combattre le principe de l’union des provinces danubiennes ; mais la question reste entière en ce qui touche la libre expression du vœu des populations, et c’est là le point principal. La solution définitive appartient à la conférence qui se réunira à Paris, et prononcera en dernier ressort. Ce n’est point sans luttes, on le conçoit, que le dernier firman a été adopté dans sa forme assez large ; il a rencontré notamment la résistance de l’internonce autrichien. Il n’est pas moins vrai que si le débat s’est particulièrement animé et même irrité, c’est surtout entre lord Stratford, qui continue à ne pas comprendre que sa volonté puisse trouver des limites, et le commissaire spécial anglais, sir Henry Bulwer, dont l’humeur ne paraît point s’accoutumer au joug de l’irascible ambassadeur. Bref, les deux représentans de l’Angleterre ont échangé des paroles assez dures, et le firman qui convoque les divans dans les deux principautés a fini par sortir intact de ces discussions.

Du reste, dans cette phase nouvelle où elle vient d’entrer, la question d’Orient s’agitera plus d’une fois encore à Constantinople, non-seulement parce que c’est là surtout que s’élèvent les luttes d’influences, mais encore parce que du gouvernement ottoman dépend l’exécution d’une des clauses les plus essentielles de la paix, celle qui concerne l’émancipation civile des populations chrétiennes de l’empire. Le chef actuel du cabinet turc, Rechid-Pacha, se montrera-t-il à la hauteur de cette œuvre ? C’est là un autre problème. On a dit à l’origine, que l’avènement de Rechid-Pacha avait été une défaite pour la France : il n’en était rien. Le prédécesseur du grand-vizir actuel, Aali-Pacha, ne tombait si facilement que parce qu’il avait hésité à se prononcer sur l’occupation des principautés et du Bosphore, et que dès-lors l’appui de la France lui manquait. Si Rechid-Pacha montait au pouvoir par le concours de lord Stratford de Redcliffe, cette intervention du ministre britannique ne rencontrait nullement l’opposition de la France. En réalité,