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des armes, des munitions, et semé les germes de la rébellion contre l’autorité du châh[1].

La seconde conséquence de l’attaque dirigée par le châh contre Hérat fut l’entrée d’une armée anglaise dans l’Afghanistan en 1838, et sa marche sur Kandahâr. Il ne paraît pas que cette campagne, qui fut fort blâmée en Angleterre, ait eu une grande influence sur le sort d’Hérat, car le même Yaar-Mohammet qui avait défendu cette ville contre les Persans, s’il recevait de grosses sommes des Anglais, n’était nullement disposé à leur vendre, même à ce prix, son indépendance. Son fils lui succéda ; mais, ne se sentant pas de force à tenir tête aux périls qui le menaçaient tout à la fois à l’intérieur et du côté de l’Afghanistan, il crut ne pouvoir mieux faire que de se jeter dans les bras de la Perse. Il renouvela le traité de 1829, et se reconnut, lui aussi, vassal du châh, que ce nouveau lien engagea à envoyer quelques troupes à Hérat, sous prétexte de contenir l’esprit turbulent de ses habitans.

Après tous les efforts que l’Angleterre avait faits pour détacher complètement le Khorassân oriental de la Perse, elle ne pouvait manquer de voir d’un très mauvais œil la réunion des deux pays, et surtout la permanence d’une garnison persane dans Hérat. Elle s’inquiéta de l’ascendant chaque jour croissant de l’autorité du châh, qui en était la conséquence naturelle. Ce fut, à la cour de Téhéran, l’objet de remontrances réitérées de la part de M. le colonel Sheil, qui, après plusieurs années d’interruption, avait renoué les relations entre l’Angleterre et la Perse. Le gouvernement persan fit d’abord la sourde oreille. Obsédé enfin et mis au pied du mur, il déclara qu’il était de son devoir de continuer les traditions de la couronne de Perse et de maintenir le pouvoir du châh sur le Khorassân oriental, qui d’ailleurs ne demandait pas mieux que de le reconnaître pour souverain. Cependant, après des menaces violentes de la part du ministre anglais, le châh lui fit proposer un arrangement par lequel il s’engageait à ne plus intervenir à Hérat, si, de son côté, l’Angleterre voulait remplir la même condition. Cette neutralité réciproque que demandait le châh avait une très grande valeur à ses yeux, car, si l’Angleterre n’agissait pas ouvertement et militairement, il était notoire qu’elle entretenait sans cesse dans la province d’Hérat des agens dont les intrigues tendaient à attirer ce pays sous son influence exclusive. C’était même là le meilleur argument que le châh pût opposer aux remontrances du ministre anglais. Ces intrigues

  1. Nous avons vu en 1840 presque tous les habitans du pays autour de Bouchir porteurs d’armes anglaises de toute espèce. Voyez la Revue des Deux Mondes du 15 novembre 1851 pour tout ce qui concerne le district de Bouchir, la nature de ce port et l’île de Karrak.