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LA PRISE D'HERAT


ET


L'EXPEDITION ANGLAISE


DANS LE GOLFE PERSIQUE




Hérat vient d’être pris par les Persans, et les Anglais, par représailles, occupent aujourd’hui Bender-Bouchir, dans le Golfe-Persique. Le royaume d’Iran est loin de l’Europe ; il n’y touche par aucun point ; cependant, si peu soucieuse qu’elle soit des destinées des Kadjârs[1], l’Europe ne peut rester indifférente à la lutte engagée entre les deux grandes puissances que les Persans ont séparées jusqu’à ce jour, mais qui finiront par se rencontrer face à face. Tôt ou tard les populations de l’Asie centrale, dispersées, écrasées, refoulées dans un sens ou dans l’autre, laisseront en présence l’Angleterre et la Russie, et l’immense territoire asiatique deviendra la proie du plus fort.

En quoi les velléités guerrières du jeune châh ou les fantasias de ses cavaliers, chercheurs d’aventures et de butin, peuvent-elles inquiéter le gouverneur de l’Inde anglaise ? Peu lui importe au fond qu’Hérat soit une ville indépendante ou tributaire du roi de Perse ; il lui importe encore moins que les chyas[2], fanatisés par leurs mollahs, fassent triompher leur schisme par le glaive, en exterminant les sunnites du Khorassan oriental : ce qui est pour l’Angleterre du plus grand intérêt, c’est de maintenir la barrière qu’elle a si laborieusement

  1. C’est le nom dynastique des princes qui règnent aujourd’hui sur la Perse.
  2. On nomme ainsi les dissidens qui, dans la religion mahométane, ont soutenu Ali comme successeur de Mahomet au lieu d’Omar. Les sunnites ou sunnies sont ceux qui, comme les Turcs, reconnaissent au contraire Omar pour l’héritier du prophète.