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se mêler au tourbillon général de la vie. Plus ce tourbillon est fort et rapide, et plus la renaissance est animée et puissante ; mais à mesure qu’il diminue, elle baisse aussi ; chaque fois qu’un parti est vaincu, une portion d’elle-même est pour ainsi dire mise au tombeau. Lorsque le parti protestant, qui l’avait mainte fois repoussée comme suspecte d’hérésie, décline en France, l’esprit humain, tout à l’heure si hardi et si puissant, va retomber sous un joug traditionnel et étroit, dont il ne se sauvera qu’en acceptant l’appui des demi-mesures et des compromis prudens. Lorsque le catholicisme monte avec Thomas Morus sur les échafauds de l’Angleterre, l’esprit de tolérance et d’humanité que la renaissance avait mis au monde périt en même temps. La victoire ou la défaite de n’importe quel parti lui sont également funestes ; elle est frappée au siège de Rome, elle reçoit le coup mortel à la Saint-Barthélemy. Dépassant tous les partis et ayant par conséquent besoin de tous, elle se partage et s’affaiblit par ses alliances. En outre, ainsi que nous l’avons dit, elle fut un renouveau, une explosion de l’esprit humain, au moment où une civilisation en train de disparaître n’a pas encore été remplacée. À mesure que les institutions se forment, à mesure que les événemens se précisent, l’explosion se calme et le métal en fusion se refroidit ; la hardiesse, l’esprit de conjecture, les systèmes arbitraires deviennent plus difficiles, la vie politique et sociale a déjà trouvé des règles extérieures qui la dirigent ou la tyrannisent. Plus on avance dans le siècle, plus on s’éloigne de ce printemps de la renaissance, de même que chaque pas dans la vie nous éloigne de la jeunesse. C’est la marche fatale de la nature et de la vie humaine, et ce dut être la marche de la renaissance, ce phénomène vague, multiple, ondoyant, insaisissable comme la nature qu’elle aima tant, comme la vie dont elle fut non pas une des manifestations, mais la manifestation elle-même.

Il y a encore une autre raison qui a paralysé le génie de la renaissance et l’a empêché de tenir toutes ses promesses. La renaissance est un mouvement à la fois très large et très restreint : très large parce qu’il n’est pas borné à un ou plusieurs peuples, mais qu’il embrasse tout le monde chrétien ; très restreint, si l’on considère les classes auxquelles il s’adressait et sur lesquelles il eut action. Au contraire de la réforme, la renaissance ne fut jamais populaire et ne chercha jamais à s’établir sur un terrain populaire ; elle s’adressa exclusivement au petit nombre, c’est-à-dire aux privilégiés de la richesse et de la lumière, aux dignitaires de l’église, aux laïques éclairés ou ayant le loisir de l’être. L’esprit de la renaissance, quoique très humain, fut donc toujours très aristocratique, et, quoique très cosmopolite, fut toujours très individuel. Quoique ayant pour but suprême et lointain le bonheur du genre humain, cette rénovation fut faite à