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beautés. Un livre, un tableau, une statue, décrits par sa plume, se présentent à nous avec leur physionomie propre, et nous révèlent les rêves secrets auxquels ils ont dû le jour. L’historien poursuit le sens des œuvres d’art avec une subtilité enfantine souvent, mais ingénieuse et rusée. Ses explications sont trop détaillées ou trop fantasques, mais l’impression qu’il cherche à rendre est généralement forte et profonde. M. Michelet n’est pas un critique grammairien capable de vous démontrer comment telle œuvre pèche contre les lois techniques du métier, ni un esthéticien soucieux de comparer l’œuvre qu’il analyse aux lois abstraites du beau : non ; il nous fait goûter le charme particulier de cette œuvre, saisir le sentiment qui inspira l’artiste, le rêve intérieur qui guida sa main. La beauté intime et secrète des œuvres d’art nous est dévoilée, s’évapore pour ainsi dire et court comme un frisson de lumière ou comme une ondulation musicale. Dans les pages qu’il consacre, aux arts ou à la littérature, il ne faut pas s’arrêter à tel détail évidemment fantasque. Le chapitre sur Michel-Ange, malgré ce qu’il y a d’arbitraire dans le développement logique de son explication, est étincelant de beauté, et le sentiment général est de la plus grande vérité. Ceux qui liront ce chapitre sans prévention y retrouveront bien des impressions senties confusément ; ils ne se feront pas prier pour reconnaître que dans les œuvres de ce grand homme il y a une préoccupation visible de l’idée de justice, et que le sentiment religieux qui les a inspirées ne ressemble pas précisément à celui qui s’exhale avec une délicatesse si exquise des pages du Nouveau-Testament. Je n’oserais soutenir que M. Michelet interprète exactement la Melancolia d’Albert Dürer ; cependant on est forcé d’accepter quelque chose de cette interprétation, si l’on veut avoir une explication raisonnable du sentiment qui inspira cette œuvre incompréhensible pour l’époque où elle parut. J’en dirai autant de ses ingénieuses fantaisies sur la Diane de Jean Goujon et sur le tombeau de Valentine Balbiani de Germain Pilon. Le mystère de cette belle nymphe nue et pourtant parée nous est ingénieusement expliqué. Quant au monument de Pilon, il marque bien une date en effet, le moment de transition affligeant où le grand art se transforme et fait place à l’art grimacier et coquet. Le charme magnétique des tableaux du Vinci est peint en quelques mots pénétrans ; mais le triomphe de M. Michelet en ce genre d’aperçus, c’est l’explication qu’il nous donne du génie de Corrège. « C’était le moment d’une grande révélation pour l’Italie. Aux pures madones florentines que déjà Raphaël anime, l’étincelle pourtant manque encore ; mais voici une race nouvelle, avivée de souffrance, qui grandit dans les larmes ! Un trait nouveau éclate, délicat et charmant, le sourire maladif de la douleur timide qui sourit pour ne pas pleurer. Qui saisira ce trait ? Celui qui l’eut