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de cette propriété élective des corps, elle a cherché depuis Newton quelle en est la raison théorique sans la pouvoir trouver. Il faut d’ailleurs remarquer que si la solution de ce problème était connue, elle ne profiterait qu’à notre curiosité sans servir dans l’étude que nous poursuivons aujourd’hui. Le fait seul nous intéresse et nous suffit.

Tous les mouvemens lumineux que nous venons de décrire sont exécutés en dehors de nous, et nous n’y avons aucune part : que nous y assistions ou que nous y restions étrangers, ils s’accomplissent de la même manière ; la mise en scène est invariable, qu’elle ait ou non des spectateurs pour la juger. Mais au moment où nous ouvrons les yeux, nous entrons en communication avec les détails de la nature : voyons comment cette communication s’établit. Puisque tous les points des objets, grâce aux réflexions de lumière dont ils sont le siége, deviennent de véritables corps éclairans, et qu’ils lancent des rayons dans toutes les directions possibles, quelques-uns de ces rayons rencontrent notre œil, traversent les liquides et les solides qui le remplissent, et ne s’arrêtent que sur le fond de l’orbite. Pour étudier leur mouvement dans l’organe de la vision, nous sommes obligés de faire un peu d’anatomie. L’œil est constitué comme les chambres obscures des daguerréotypes, que tout le monde connaît aujourd’hui. Il a comme elles un trou antérieur, la pupille, qui regarde les objets ; une lentille convexe, solide, parfaitement formée, est disposée derrière ce trou, et enfin une membrane mince, la rétine, tapisse le fond de l’œil et arrête la lumière comme le verre dépoli qui termine à sa partie postérieure la chambre obscure des physiciens. Tout nous porte dès lors à penser que les mêmes effets se développeront dans ces deux instrumens identiques. Or, dans un daguerréotype, on voit distinctement se former un tableau en raccourci des objets qu’il regarde. Les contours y sont parfaits, les couleurs y sont très régulièrement reproduites. Tous les accidens d’ombre et de lumière y sont mathématiquement représentés avec une particularité singulière, c’est que tout y est renversé. Dans ce petit tableau, les pieds se voient en haut et les têtes en bas ; mais à cette différence de situation près, c’est une parfaite miniature de la nature extérieure. Quoique plus difficile à faire, l’expérience réussit de la même manière avec un œil de bœuf frais et même avec un œil humain. Ainsi nous portons avec nous une chambre obscure, ainsi il se forme sur notre rétine un tableau renversé des objets que nous regardons. Une fois qu’elle a constaté cet effet optique, la physique s’arrête ; elle a suivi la lumière depuis le soleil jusqu’au fond de l’œil, elle a montré que les objets extérieurs se dessinent sur la rétine : alors son rôle cesse et celui de l’anatomie commence. L’anatomie nous apprend que la rétine est composée de filets nerveux qui tapissent l’œil, qui se réunissent ensuite en un tronc com-