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rait de son côté les plus grands avantages. Déjà une première fois, après son retour de Smorgoni, il l’avait vivement sollicitée de s’unir étroitement à sa cause. Cette tentative n’avait point réussi. Pouvait-il espérer que de nouvelles ouvertures seraient mieux accueillies aujourd’hui ? Dût une seconde démarche être également infructueuse, il résolut de la tenter.

Le 27 mars, son ministre des affaires étrangères écrit sous sa dictée au comte de Narbonne les instructions suivantes. — Il reconnaît que l’état des choses est changé par la défection de la Prusse. Il déplore que la Russie, au lieu de recourir à cette puissance comme à un intermédiaire pour négocier la paix, ait mieux aimé s’en servir comme d’un moyen de guerre. « Il l’a poussée, dit-il, à la défection pour faire avec elle une campagne, réaliser, en cas de succès, ses vues sur la Pologne, et en cas de revers sacrifier la Prusse, comme elle l’a fait à Tilsitt. Si elle triomphe, elle prendra toute la rive gauche de la Vistule et donnera à la Prusse un équivalent en Allemagne. Puisque l’Autriche. veut la paix, il faut qu’elle agisse vivement, qu’elle s’adresse à la Russie et lui demande d’ouvrir immédiatement des négociations. L’empereur Alexandre y consentira. On conviendrait d’un armistice pendant lequel on négocierait. Les plénipotentaires se réuniraient entre Breslau et Dresde. Si les Anglais voulaient en envoyer un, il serait reçu. L’armistice une fois admis, le langage et les forces de l’Autriche amèneraient promptement la conclusion de la paix. L’empereur Alexandre et Frédéric-Guillaume étant à Breslau, l’empereur François pourrait être à Prague et l’empereur Napoléon à Dresde. La négociation serait courte. Si l’empereur Alexandre refuse de négocier, voilà ce que nous proposons : l’Autriche ne peut, dans ce cas, manquer de prévoir la perte de la Prusse. La population de la monarchie prussienne est de 5 millions d’âmes. On en formerait trois lots. Un million serait laissé à la Prusse sur la rive droite de la Vistule ; deux millions seraient réunis à l’Autriche, et les deux autres millions à la Saxe et à la Westphalie. La plus belle part serait celle qui reviendrait à l’Autriche. La Silésie, qui se lie à la Bohème, et qui forme la meilleure et la plus belle partie des possessions de la Prusse, a une bien autre valeur que n’en ont les territoires qui seraient cédés aux alliés de sa majesté.

« Les jours sont comptés : dans les premiers jours de mai, l’empereur Napoléon sera sur l’Elbe, l’Autriche en mesure d’agir vigoureusement, et nous battrons de concert les Russes et les Prussiens. L’armée de Bohème et de Cracovie, présentant un effectif de 60,000 hommes, serait prête à agir ; le total des forces autrichiennes qui entreraient en campagne devrait s’élever à 100,000 hommes, 30 à 40,000 hommes formeraient l’armée de Silésie ; 30 à 35,000, celle du prince de Schwarzenberg. Le reste serait à la disposition de la France