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qu’avant de délibérer sur la destination à donner au grand-duché de Varsovie, il fallait avoir le droit d’en disposer, ce qui ne pouvait se faire qu’en terrassant Napoléon. Il rappela les fautes passées qui devaient servir de leçons pour l’avenir, et parla de l’excitation des masses en homme qui l’avait préparée de longue main. Il ajouta que le tsar était décidé, dans le cas où la Prusse refuserait de se détacher de la France, à incorporer à la Russie tout le pays compris entre la Vistule et le Niémen, puis à ravager les territoires situés entre la Vistule et l’Elbe. Il termina en déclarant que si le roi voulait comprimer l’élan généreux des peuples, il aurait la douleur de voir sa volonté méconnue, qu’il ne lui restait donc qu’à se mettre à leur tête et à marcher sur le Rhin.

Ces vives représentations émurent profondément Frédéric-Guillaume. De son côté, M. d’Anstett lui fit les déclarations les plus rassurantes. Il affirma que son souverain n’était entré en Prusse que pour délivrer ce royaume et le rétablir dans des conditions de force identiques à celles où il se trouvait avant la guerre de 1806. Il offrit toutes garanties contre le danger auquel une extension de la puissance russe pourrait exposer les provinces septentrionales du royaume. Malgré ces promesses, le roi semblait hésiter encore : il appela Scharnhorst et lui demanda son avis. Le général joignit ses plus instantes prières à celles du baron de Stein et conjura son souverain de se prononcer sans retard. Frédéric-Guillaume céda enfin et consacra sa défection par un traité d’alliance qui fut conclu, le 28 février, à Kalish, entre la Russie et la Prusse. La Russie prit l’engagement de concourir à la guerre active avec 150,000 hommes et la Prusse avec 80,000 (art. 3). Les deux puissances convinrent d’employer tous leurs efforts pour obtenir l’adhésion de l’Autriche (art. 7), Par les articles secrets, l’empereur de Russie promit de ne poser les armes que lorsque la Prusse aurait été replacée dans les mêmes conditions de force où elle était avant 1806, et garantit formellement au roi la possession de la Vieille-Prusse, à laquelle serait joint un territoire qui, sous tous les rapports, tant militaires que géographiques, relierait cette province à la Silésie. Le 19 mars, il fut arrêté à Breslau, entre les deux souverains, qu’ils déclareraient ne s’être proposé d’autre but que de soustraire l’Allemagne à l’influence et à la domination de la France. Tout prince allemand qui ne répondrait pas à cet appel dans un délai fixé serait menacé de la perte de ses états.

Le roi dissimula pendant trois semaines l’alliance qu’il venait de contracter avec la Russie ; mais le jour même où son plénipotentiaire signait le traité de Kalish, le 28 février, un fait significatif se passait à Berlin. Un piquet de Cosaques entrait à toute bride dans la ville, cernait l’hôtel de M. de Saint-Marsan, et, sous les yeux des au-