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eux. Les Russes et les Prussiens ont fait un traité avec la Suède, ils ont des engagemens avec l’Angleterre. Nous n’en avons pas encore avec ces deux puissances, et le 10, je vous le répète, nous n’en avions avec personne. Ce n’est pas notre faute si vous n’avez pas voulu parler quand nous vous en sollicitions. L’empereur d’Autriche n’a jamais voulu commander la paix ; il n’a voulu que la rendre praticable en mettant dans la balance tous ses moyens, afin d’appuyer le parti le plus modéré. »

M. de Metternich promit de porter à la connaissance de l’empereur de Russie et du roi de Prusse les dernières propositions de l’empereur Napoléon ; mais il ne cacha pas que cette démarche le plaçait dans la situation la plus délicate. Il dit que plus son gouvernement désirait la paix, plus il était obligé de garder de ménagemens vis-à-vis de ses alliés ; qu’ils le croyaient tout à fait Français dans cette question, et qu’il n’existait qu’un moyen d’arriver à la pacification, c’était d’avoir l’air de gens qui n’ont pas voulu écouter avant de s’être concertés avec leurs alliés.

Cependant l’empereur Alexandre venait d’arriver à Prague, et le roi de Prusse devait s’y rendre de son côté dans peu de jours. Le duc de Vicence se retira au château de Kœnigsaal, situé à une petite distance de la ville, et y attendit le résultat des communications de M. de Metternich. Le 16 août, ce ministre informa le duc de Vicence que les souverains de Russie et de Prusse n’avaient point trouvé dans les dernières propositions faites par l’empereur Napoléon les moyens d’atteindre le grand but qu’ils poursuivaient, et les jugeaient en conséquence inadmissibles. Cette déclaration mettait fin à la mission du duc de Vicence, qui partit le 16 pour retourner à Dresde ; elle apprenait à ceux qui s’étaient nourris d’illusions pacifiques que pendant toute la durée de l’armistice la Russie et la Prusse n’avaient point concouru sérieusement un seul jour à l’œuvre de la pacification, et que l’Autriche elle-même avait fini par embrasser le parti de la guerre. C’en était fait : les négociations étaient rompues, et elles l’étaient surtout par la volonté du médiateur et des alliés. On sait quelles en furent les conséquences : la rupture des négociations de Prague entraîna l’effroyable guerre qui pendant huit mois a couvert la France de sang et de ruines, qui l’a livrée, vaincue et mutilée, aux implacables vengeances de l’Europe coalisée.


ARMAND LEFEBVRE.