Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/556

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et de Trachenberg le comte de Stadion ainsi que les généraux Wacquand et de Latour, et la violence de ses ressentimens contre l’Autriche s’en accrut.

La Russie et la Prusse nommèrent plénipotentiaires à Prague M. d’Anstett et le baron de Humboldt. La nomination de M. d’Anstett, Français d’origine, frappé à ce titre par nos lois, négociateur des derniers traités signés à Reichenbach et d’une naissance obscure, était un acte significatif qui témoignait du peu de dispositions de l’empereur Alexandre à se réconcilier avec la France. Napoléon en fut très péniblement affecté. Dans sa correspondance confidentielle avec le duc de Bassano, il y revient sans cesse comme sur un fait qui l’étonne et le trouble ; il affecte d’y voir une sorte d’insulte faite à sa personne. Lui au contraire nommait pour le représenter à Vienne celui de ses grands officiers qui se recommandait au plus haut degré par ses talens, la dignité de son caractère et de ses manières, son esprit modéré et conciliant, par la haute estime que lui avait témoignée l’empereur Alexandre, le duc de Vicence, et il lui adjoignait son ambassadeur à Vienne, le comte de Narbonne.

Les plénipotentiaires russe et prussien furent exacts au rendez-vous donné : ils arrivèrent le 12 juillet à Prague, et n’y rencontrèrent point le principal plénipotentiaire ; ils n’y trouvèrent que le comte de Narbonne. Napoléon avait résolu de n’y envoyer le duc de Vicence qu’après que les commissaires russe et prussien auraient, par un acte régulier, formellement adhéré à la prolongation de l’armistice. Ce n’était qu’un prétexte : l’assentiment donné par le comte de Nesselrode et le baron de Hardenberg à cette prolongation engageait moralement leurs souverains ; mais l’empereur était convaincu que le congrès qui allait s’ouvrir serait un vain simulacre, que l’Autriche ne voulait l’attirer à Prague que pour lui montrer les fourches caudines, que les alliés ne s’y rendaient de leur côté que pour empêcher la conciliation et entraîner le médiateur. Toute sa crainte surtout était, en témoignant trop d’empressement pour la paix, d’encourager M. de Metternich à élever ses prétentions. Les alliés pouvaient impunément se mettre à la merci de l’Autriche : leur cause à tous était solidaire. Ils avaient une commune ennemie à abattre, des territoires à recouvrer ou à conquérir, une situation politique à réhabiliter. La France se trouvait, vis-à-vis de la puissance médiatrice, dans une position bien différente ; depuis quinze ans, elle l’avait incessamment frappée, humiliée, affaiblie partout, en Italie, en Allemagne, en Galicie. Comment se livrer à sa discrétion sans lui inspirer l’irrésistible tentation d’en abuser ? Napoléon pensait que le moyen le plus sûr encore d’arriver à une entente était de prendre une fière contenance, d’affecter pour la paix une sorte d’indifférence,