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l’envoyé de l’empereur François. Il lui dit que l’Autriche était libre de renoncer à l’alliance, qu’il n’en serait pas blessé, mais qu’il ne pouvait reconnaître cette puissance comme médiatrice armée ; que ce qu’il craignait par-dessus tout, c’étaient les moyens termes, ressources ordinaires de l’irrésolution et de la faiblesse ; qu’il voulait la paix, qu’il n’était pas éloigné de conclure un armistice, et qu’il était tout disposé à envoyer des plénipotentiaires à Prague ou dans toute autre ville neutre, afin de négocier les conditions d’une paix générale ou continentale. Il rappela que les deux puissances s’étaient mutuellement garanti, par le traité qui les unissait, l’intégrité de leurs territoires, et il ajouta qu’il lui paraissait difficile de concilier des engagemens aussi précis avec le caractère de médiateur armé que prétendait prendre l’empereur d’Autriche. M. de Bubna avoua n’avoir point d’instructions pour résoudre ce point difficile, mais il insinua que certaines dispositions du traité d’alliance pourraient, d’un commun accord, rester suspendues pendant les négociations, et que de cette manière l’alliance subsisterait à côté de la médiation. Cette conférence terminée, il retourna à Vienne et fut chargé de porter à l’empereur d’Autriche deux lettres en réponse à celle que ce souverain avait écrite à l’empereur Napoléon le 11 mai. Voici la première :


« Monsieur mon frère et très cher beau-père, j’ai reçu la lettre de votre majesté. J’ai entretenu le comte de Bubna plusieurs heures. Je lui ai dit tout ce que je pensais avec franchise et vérité. Je désire la paix plus que personne : je consens à l’ouverture d’une négociation pour une paix générale et à la réunion d’un congrès dans une ville intermédiaire des séjours des diverses cours belligérantes. Aussitôt que je serai instruit que l’Angleterre, la Russie, la Prusse et les alliés ont accepté cette proposition, je m’empresserai d’envoyer un ministre plénipotentiaire au congrès, et j’engagerai mes alliés à en faire de même. Je ne fais pas de difficulté d’admettre même au congrès les plénipotentiaires des insurgés d’Espagne pour qu’ils puissent y stipuler leurs intérêts. Si la Russie, la Prusse et les autres puissances belligérantes veulent traiter sans l’Angleterre, j’y consens également. Je serai prêt à envoyer mon ministre plénipotentiaire aussitôt que je serai instruit que cette proposition a été agréée, et j’engagerai mes alliés à en faire autant dès que je connaîtrai l’époque de la réunion. Si, une fois le congrès ouvert, il est dans l’intention des puissances belligérantes de conclure un armistice, comme cela s’est fait dans plusieurs circonstances et comme il en a été question à Paris avec le prince de Schwarzenberg, je suis prêt à y adhérer. Votre majesté verra dans ce langage, qui est le même que je tiens depuis six mois, mon désir d’épargner le sang humain et de mettre un terme aux malheurs qui affligent tant de peuples.

« De votre majesté impériale le bon frère et le gendre,

« NAPOLEON. »


La seconde lettre avait un caractère plus intime. C’était le cœur