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mettre les intérêts de la France à la merci de l’impératrice d’Autriche et de M. de Stadion. »

Napoléon voulut annoncer lui-même à l’empereur d’Autriche la victoire qu’il venait de remporter. Il lui écrivit le 4 mai de Pegau :


« Monsieur mon frère et très cher beau-père, connaissant l’intérêt que votre majesté prend à tout ce qui m’arrive d’heureux, je m’empresse de lui annoncer la victoire qu’il a plu à la Providence d’accorder à mes armes dans les champs de Lutzen. Quoique ayant voulu diriger moi-même tous les mouvemens de mon armée et m’étant trouvé quelquefois à portée de la mitraille, je n’ai éprouvé aucune espèce d’accident, et, grâce au ciel, je jouis de la meilleure santé. J’ai des nouvelles journalières de l’impératrice, dont je continue à être extrêmement satisfait : elle est aujourd’hui mon premier ministre, et elle s’en acquitte à mon grand contentement. Je ne veux pas le laisser ignorer à votre majesté, sachant combien cela fera de plaisir à son cœur paternel. Que votre majesté croie aux sentimens d’estime et de profonde considération que je lui porte, et surtout au véritable intérêt que je prends à son bonheur. »

Les alliés s’étaient retirés : les Russes par la route d’Altenbourg et de Freyberg, les Prussiens par celle de Borna et de Colditz. Bertrand et Oudinot suivirent la colonne russe ; l’empereur, avec les corps de Marmont, de Macdonald et la garde, s’attacha à la poursuite des Prussiens. Miloradovitch les avait recueillis, et, couvrant leur retraite, avait pris ses mesures pour nous arrêter au défilé de Gersdorf. Le vice-roi s’y porta, l’attaqua vivement, le défit et continua sa route.

L’armée ennemie avait le choix entre deux lignes de retraite : l’une sur les états prussiens et le Bas-Oder, l’autre par Dresde sur la Silésie et éventuellement sur la Haute-Vistule. En prenant la première, les alliés couvraient la monarchie prussienne ; mais ils s’éloignaient de l’Autriche, qu’ils livraient à ses propres forces et à ses irrésolutions. L’autre ligne les rapprochait de cette puissance, qu’ils pouvaient espérer d’entraîner en lui assurant l’appui immédiat de leurs armées. Pendant plusieurs jours, Napoléon s’appliqua vainement à démêler les indices de la direction véritable que prendraient les alliés. Il lui semblait douteux que les Prussiens tout au moins sacrifiassent leur capitale à la chance incertaine d’obtenir le concours de l’Autriche, et, tout en poursuivant l’ennemi sans relâche, il prit ses mesures de manière à pouvoir le prévenir à Berlin et sur le Bas-Oder, dans le cas où, après avoir repassé l’Elbe, il effectuerait sa retraite dans cette direction[1].

Autant pour les faire reposer qu’en vue d’opérations dans le nord, Napoléon avait décidé que les cinq divisions du maréchal Ney continueraient

  1. Histoire des deux Campagnes de Saxe en 1813, par M. le général baron Pelet.