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étonnée encore de s’être vue lancée il y a huit ans dans les aventures, se réfugie dans l’étude abstraite et dans les investigations de l’histoire ; elle n’est plus au même degré que par le passé un ardent foyer de prédications et de systèmes ; elle est plus modeste, à ce qu’il semble, ayant ressenti toutes les déceptions de la vie active, et elle cherche de nouveaux élémens pour son génie méditatif et profond. L’Italie, non moins agitée que l’Allemagne il y a quelques années et plus malheureuse, l’Italie, qui a subi, elle aussi, tous les enivremens de l’action et toutes les amertumes des espérances déçues, revient lentement vers l’étude et vers les lettres. La politique n’a souvent d’autre effet que de cacher ce travail des esprits, qui se manifeste sous plus d’une forme. En peu de temps, on a publié la correspondance de Giordani et tout un recueil de lettres inédites de Silvio Pellico. Dante, le poète toujours étudié et toujours plein de mystères, a trouvé un nouveau commentateur en M. Tommaseo. À Florence, on rassemble les poésies populaires de l’Italie, et on écrit des œuvres d’histoire qui ont souvent plus de mérite que de retentissement. À Venise même et à Milan il ne serait point impossible de distinguer plus d’un essai où brille encore l’imagination italienne. Turin a eu pendant longtemps un genre particulier d’infériorité au-delà des Alpes, c’était peut-être la ville la moins littéraire de l’Italie ; aujourd’hui la capitale du Piémont a l’avantage de la liberté politique, et c’est là surtout que les esprits sont à l’œuvre, c’est là que les tentatives se multiplient, et que la vie intellectuelle a toutes les apparences de l’activité.

Mais quelle est la direction de ces efforts ? Philosophiquement, il est vrai, rien de bien nouveau n’apparaît au-delà des Alpes. L’influence philosophique la plus sérieuse et la plus active est celle de Vincenzo Gioberti, — influence qui a survécu à l’homme, qui domine les luttes actuelles, et qui semble se raviver encore aujourd’hui par la publication récente de divers ouvrages posthumes, dont l’un traite de la réforme de l’église, — della Riforma cattolica della Chiesa. C’est un des publicistes distingués de l’Italie, M. Giuseppe Massari, qui s’est chargé de recueillir et de mettre au jour les papiers du philosophe piémontais. Le livre de la Riforma cattolica n’est point évidemment un travail achevé ; c’est une suite de pensées, un ensemble de fragmens où manque le sceau définitif de l’écrivain, subitement interrompu dans son œuvre par la mort. Comme le titre l’indique, Gioberti ne se proposait rien moins que de réformer l’église ; seulement, qu’on y prenne bien garde, il ne songeait ni à l’atteindre dans ses dogmes, ni à la désarmer de sa puissance, ni à la révolutionner par l’autorité d’une force étrangère ; c’est à l’église elle-même qu’il demandait de se réformer, de maintenir ce qu’elle avait de divin en faisant la part de l’œuvre des hommes, de ressaisir la dictature spirituelle par la formation d’un clergé intelligent et actif, par une alliance nouvelle hardiment scellée entre l’idée religieuse et toutes les idées justes de progrès civil. En un mot, il voulait modifier l’action extérieure du catholicisme sans cesser d’être catholique. Pour lui, il se disait avant tout catholique et Italien. Politique en même temps que philosophe et que patriote, il poursuivait un triple but : c’était de faire disparaître la domination autrichienne dans l’ordre national, la domination de ce qu’il appelait l’esprit jésuitique dans l’ordre religieux, la domination des idées et des habitudes françaises dans l’ordre intellectuel et moral. C’était toute une résurrec-