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un an jour pour jour après la signature du traité de paix, et à cette époque devra aussi être accomplie la double évacuation des principautés danubiennes et de la Mer-Noire par l’Autriche et par l’Angleterre. On dit même aujourd’hui que les forces anglaises et autrichiennes se retireront avant le 15 mars. Alors il ne restera plus qu’une question, assez sérieuse encore, quoiqu’elle n’ait pas eu jusqu’ici le premier rang, celle de l’organisation des principautés. Une commission particulière, on s’en souvient, est chargée de ce travail d’organisation des provinces du Danube, et l’œuvre de la commission, une fois terminée, sera soumise à une conférence nouvelle qui se réunira à Paris pour consacrer par une convention dernière l’accord définitif entre les puissances.

Maintenant dans cet arrangement, fruit de négociations laborieuses, qui a triomphé ? On peut le dire avec vérité, c’est la paix, c’est l’esprit de conciliation et de bonne harmonie ; ce n’est ni la Russie, ni l’Autriche, ni l’Angleterre, bien que les journaux de Londres aient mis quelque hâte à saluer les résolutions de la dernière conférence comme une victoire pour la politique de lord Palmerston. Si l’Angleterre était tellement fondée dans les interprétations qu’elle a soutenues jusqu’à une époque récente de concert avec l’Autriche, si elle était tellement convaincue de son droit, comment a-t-elle consenti à une cession de territoire qui par le fait est pour la Russie une véritable compensation ? Et si le gouvernement anglais a fait sur ce point une concession réelle, comme cela n’est point douteux, pourquoi ne pas faire honneur au cabinet de Londres de cette modération même ? Lord Palmerston, il nous paraît, n’a obtenu qu’un triomphe assez réel, quoique éphémère, qui a consisté à retarder de quelques mois la solution des derniers différends européens. Il a fini par consentir à la réunion de la conférence, et s’il l’a fait, ce n’est pas uniquement peut-être par un sentiment de respect pour la paix générale ; il a obéi à une considération d’un ordre tout intérieur, à une nécessité de sa situation ministérielle. Quelque détachement que montre l’opinion publique en Angleterre à l’égard des affaires étrangères, quelques ménagemens patriotiques que mettent les partis au sujet des questions dont le gouvernement est le premier dépositaire, il n’est guère douteux en effet que le refus prolongé de souscrire à un arrangement eût amené dans le parlement des discussions qui n’auraient pas laissé d’embarrasser le cabinet anglais. Peut-être même des explications seront-elles nécessaires encore. Le résultat couvre aujourd’hui lord Palmerston en face des chambres. En définitive, dans cet arrangement, qui est l’œuvre de tous, si quelqu’un avait triomphé réellement, ce serait plutôt la France. C’est la France qui l’une des premières a accueilli l’idée d’une réunion diplomatique. Dans les dernières délibérations encore, s’il est survenu des péripéties qu’il est plus facile de pressentir que de préciser, c’est la France principalement qui a mis son zèle à tempérer les froissemens, à concilier les divergences pour arriver à déterminer l’époque de l’évacuation des principautés et de la Mer-Noire, que la Russie aurait voulu voir s’accomplir plus promptement, tandis que l’Autriche et l’Angleterre eussent préféré peut-être tout d’abord ne prendre aucun engagement précis. Ainsi finit une question qui n’était que secondaire en apparence, et qui a cependant tenu tout en suspens depuis quelques mois,