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puis il alla trouver Stein, lui peignit l’effet désastreux causé par le scandale de ses débats avec le général York, et le décida à faire cesser une telle anarchie en s’éloignant de Kœnigsberg.

Les présidens de la province avaient convoqué une diète. Elle se réunit dans cette ville, témoigna le plus profond respect pour la prérogative royale, se déclara résolue à repousser toute influence étrangère, et sanctionna avec acclamation tout ce qu’avait fait le général York ; elle arrêta ensuite un plan de défense générale, leva et équipa aux frais de la province 12,000 hommes d’infanterie et 7,000 de cavalerie.

Ainsi, quelques divergences de vues qui se manifestassent quant au choix des mesures à prendre pour combattre la France, tous, dans cette partie de la monarchie, chefs militaires et civils, comme la population, étaient d’accord sur le but, unanimes pour y sacrifier leur vie et leurs dernières ressources. Dans les provinces situées entre l’Oder et l’Elbe, et qu’occupaient nos troupes, la passion publique était comprimée, mais non moins ardente que dans les provinces du nord. La situation du roi à Potsdam n’était plus tenable. Deux forces se le disputaient matériellement en quelque sorte ; d’une part, les plus ardens parmi ses serviteurs voulaient l’arracher de son palais, gagner la Prusse orientale, et de là le conduire dans le camp de l’empereur Alexandre. De l’autre, M. de Saint-Marsan et le maréchal Augereau, le traité d’alliance à la main, exigeaient l’exécution du pacte juré. Dans un tel état de choses, la crainte, la défiance, le soupçon étaient partout. La cour à Potsdam, la garnison française à Berlin, ne se croyaient plus en sûreté ; dans l’attente de soudaines éventualités, chaque parti cherchait à s’assurer des garanties contre les embûches du parti contraire.

Le roi résolut de sortir à tout prix d’une situation qui ne lui permettait ni la dignité dans le malheur, ni la sécurité dans la résignation. En conséquence, le 18 janvier il quitta Potsdam, accompagné de toute sa cour, de M. de Saint-Marsan, du ministre d’Autriche, du chancelier Hardenberg, et transporta sa résidence à Breslau. Là du moins il échapperait à notre surveillance ; il serait plus libre et plus près de l’empereur Alexandre. À sa vue, la population de la Silésie n’attendit point la présence des Russes pour éclater. L’explosion fut soudaine, et le cri aux armes retentit dans toutes les familles. Le roi se vit bientôt entouré par les ennemis les plus dangereux de la France. Entre tous se distinguaient l’ancien ministre de la guerre, le général Scharnhorst, patriote ardent, qui, sous l’apparence d’une disgrâce, n’avait pas cessé de rester le conseiller secret du roi ; Blücher, le personnage le plus considérable de l’armée, qui, dans un corps déjà vieux, avait conservé la plus virile ardeur, opiniâtre, impétueux, que les échecs enflammaient au lieu