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elle a une lieue de long et presque autant de large, et présente en moyenne sept brasses de profondeur. De l’autre côté de Manzanilla est la baie qui porte le même nom, plus petite, mais défendue contre les vents du nord, auxquels la baie de Limon est exposée. Panama ne présente point de véritable port, mais les vents y sont rarement forts, et la ville est protégée par un groupe d’îles que la compagnie américaine a achetées, et où l’on trouve d’excellens abris pour les vaisseaux.

Les difficultés qu’on a rencontrées dans l’exécution du chemin de fer de Panama, indépendamment des obstacles présentés par la configuration de la contrée, sont de plus d’une espèce. Une des plus graves tient au climat tropical du pays et aux pluies torrentielles qui tombent pendant une grande partie de l’année, et sont très redoutables pour les ouvrages en terre. L’expérience acquise par les ingénieurs de la compagnie du chemin de fer de Panama leur a démontré la nécessité d’élever les remblais dans une seule campagne avant la saison des pluies. Pendant cette période, les remblais se tassent très rapidement, et ceux qui peuvent résister à l’épreuve sont garantis contre les tassemens ultérieurs par la vigoureuse végétation qui succède aux pluies et les consolide pour toujours.

Les hautes températures de ces régions amènent aussi une dé- composition extrêmement rapide des traverses et des ponts en bois ; on a employé partout une espèce de pin nommée le pin jaune et le lignum vitæ. Malheureusement il n’y a aucune essence qui résiste longtemps à l’influence du climat, et l’œil n’apercevant point le travail de la décomposition, il arrive fréquemment que des bois qui paraissent complètement sains s’en vont tout à coup pour ainsi dire en poussière. Le terrible, mais unique accident qu’on ait eu à enregistrer jusqu’ici sur le chemin de fer de Panama est dû à la rupture d’un pont au moment du passage d’un convoi. La plupart des ponts sont dès à présent construits en pierre, et sans doute ils le seront tous bientôt. On a pu aussi recueillir des données précises sur l’insalubrité de l’isthme : elles n’ont fait que fortifier la triste réputation que ces contrées ont depuis longtemps acquise sous ce rapport, et donner la certitude qu’il faudrait sacrifier un grand nombre d’existences à l’exécution de tous les grands travaux qu’on y projette. Les ouvriers blancs employés au chemin de fer de Panama étaient à peu près au nombre de 6,000. Le 28 janvier 1855, le nombre des morts s’élevait à 293, c’est-à-dire au vingtième environ. Cette proportion a été un peu moindre parmi les natifs et les ouvriers amenés de la Jamaïque, mais elle a atteint un chiffre beaucoup plus considérable parmi les coolies. La difficulté de trouver des ouvriers en nombre suffisant dans le pays avait engagé la compagnie