Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/452

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La largeur de l’état de Nicaragua est trop considérable pour qu’on ait jamais songé à y établir un chemin de fer. D’ailleurs, tout le long du San-Juan, la contrée est un désert entièrement sauvage qu’on ne traverserait qu’à grand’peine. Arrivée au lac de Nicaragua, la ligne du chemin de fer ne pourrait pas le contourner en longeant les rives, et se trouverait forcément interrompue. Il faudrait donc traverser le lac en bateau à vapeur et reprendre le chemin de fer au-delà. On n’admet de pareils délais, avec les fréquens transbordemens de marchandises, les ennuis, les dépenses qui en sont la suite, que sur une ligne tout à fait transitoire, en l’absence d’une meilleure voie de transport.

La route actuellement suivie par l’immense majorité des passagers est le chemin de fer construit dans l’isthme de Panama. Cette entreprise, qui permet de passer d’un océan à l’autre en quelques heures, est sans doute une des plus remarquables que ces dernières années aient vu terminer. L’achèvement de cette ligne, exécutée dans des circonstances extraordinaires et toutes nouvelles, a permis de préciser les notions trop vagues et trop incomplètes qu’on possédait jusqu’ici sur les conditions où s’opère le travail dans ces lointaines contrées et sur les difficultés que le climat y oppose.

Le chemin de fer part de l’île Manzanilla, située à 7 milles environ de l’embouchure de la rivière Chagres. A la tête du chemin s’élève aujourd’hui une ville nouvelle, qui a reçu pour nom celui de M. Aspinwall de New-York, l’un des principaux commerçans engagés dans l’entreprise; cette ville comptait déjà 2,000 habitans en 1855, et grandit chaque jour avec une surprenante rapidité. Après avoir traversé l’étroit canal qui sépare l’île Manzanilla de la côte, le chemin de fer se dirige vers la vallée du Chagres, qu’il suit à peu de distance jusqu’à un affluent nommé l’Obispo. Il remonte cet affluent pour atteindre le point de partage des deux océans, à 37 milles environ de l’Atlantique et 10 milles du Pacifique. Après l’avoir dépassé, il descend la vallée du Rio-Grande et va atteindre Panama.

Du côté de l’Atlantique, la ligne traverse sur une longueur de 13 milles de profonds marécages, où il a fallu partout l’établir sur pilotis; dans les parties supérieures de la vallée de l’Obispo, la contrée est très montagneuse, entrecoupée par de profonds ravins, et l’on a dû faire partout de profondes entailles dans le roc, accumuler les travaux d’art, et adopter des courbes extrêmement fortes. Enfin, du côté du Pacifique, la descente est très rapide, et les ingénieurs ont été obligés d’admettre des rampes très inclinées.

Les ports des deux extrémités, malgré quelques inconvéniens, dirent généralement aux navires un abri suffisant. La baie de Limon, qui renferme l’île Manzanilla, forme la rade du côté de l’Atlantique :