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croyance aimable avant de nous enseigner qu’elle est de foi. Il y emploie mille pensées hardies et chastes tout ensemble, des comparaisons, des images, soit tirées de son fonds, soit empruntées aux pères et embellies par cette main dans laquelle l’or même devient plus pur. Il n’entend pourtant pas rivaliser avec les peintres, il critique même les images qu’ils hasardent de la Vierge, « lesquelles ressemblent, dit-il, à leurs idées et non à elle. » Il n’eût pas dit cela des vierges de Raphaël, car c’est d’après le même modèle, gravé au fond de leur cœur par la foi et le génie, que le prédicateur par la beauté de ses paroles, l’artiste par les grâces de son pinceau, ont su représenter l’idéal de la plus touchante des croyances catholiques.

Tant de pensées, soit d’étonnement, soit d’admiration ou d’amour, sur les personnes divines, semblent être dans les sermons de Bossuet des impressions de leur commerce. Elle est vraie de lui, cette parole du Christ à ses disciples : « Je demeure en vous, et vous demeurez en moi. » Dieu, le Christ, la Vierge, les saints, c’était là sa compagnie durant ces longues années de retraite où il vécut abîmé dans les Écritures et les pères, s’en rendant tous les personnages présens par la puissance de l’imagination et de la foi. De là ces vives peintures des saints de l’Ancien et du Nouveau-Testament, de là ces images saisissantes de leurs vies racontées comme par un contemporain. Il semble qu’on reconnaisse un frère, un ouvrier de la même vigne dans les portraits qu’il a tracés des pères, ses prédécesseurs dans l’interprétation du dogme et dans la prédication. Il avait ressuscité toute cette élite sacrée du christianisme, prophètes qui l’ont prédit, apôtres qui l’ont prêché, martyrs qui l’ont consacré de leur sang, pères qui en ont expliqué et transmis la doctrine. Ce ne sont pas des autorités qu’il invoque, ce sont des maîtres ou des amis qui lui viennent en aide de leur personne et qui rendent témoignage de sa fidélité à la tradition.

Il sort de tout cela une première morale plus forte et plus efficace peut-être que toutes les prescriptions particulières : c’est un sentiment profond de la misère de l’homme, et de l’impossibilité pour nous de n’en pas chercher le remède, car à quoi tendent tous ces dogmes, sinon à relever le prix de l’innocence? Que cachent tous ces mystères, sinon les origines sacrées de toutes les règles des mœurs? Qu’est-ce que la religion, sinon un sublime effort de la nature humaine pour lutter contre sa corruption originelle? Et quel plus grand objet de l’éloquence que de montrer Dieu lui-même nous y aidant et s’employant à la réparation de sa créature intelligente? Produire cette impression, ce doit être l’effet d’un sermon composé selon l’esprit chrétien par un prédicateur qui n’est pas au-dessous