Page:Revue des Deux Mondes - 1857 - tome 7.djvu/406

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’art de l’ingénieur y aura rencontré des difficultés dont la science moderne, avec ses merveilleuses ressources, a seule pu triompher. Presque à l’origine du canal, pour conduire les eaux à travers le lit de la rivière Solani, il a fallu bâtir un aqueduc aux proportions romaines, qui se compose de quinze arches ayant chacune 50 pieds d’ouverture, et laissant ainsi un espace de 750 pieds à l’écoulement des eaux. Les dépenses de cette gigantesque construction se sont élevées à 30 lacs de roupies. D’Hurdwar, son point d’origine, à sa jonction au lit du Gange à Cawnpore, en y comprenant les branches collatérales, le canal du Gange s’étend sur un parcours de 890 milles. L’on estime à 1 crore 1/2 de roupies (1 million sterl. 1/2) la dépense totale de ces magnifiques travaux qui préserveront à jamais des terribles extrémités de la famine une population de plus de huit millions d’individus. Quant aux résultats du canal au point de vue du trésor public, les hommes spéciaux établissent que ses recettes annuelles, primes d’irrigation (le pied cube d’eau rapportant 120 roupies), droits de navigation et autres, doivent s’élever à 14 lacs 1/2. En admettant une dépense annuelle de 4 lacs 1/2 pour les frais d’entretien, de personnel, de réparations, il resterait pour produit net 10 lacs 1/2 de roupies.

Si nous sommes entré dans quelques détails sur le canal du Gange, c’est que bien peu de travaux d’utilité publique ont été entrepris pendant les soixante premières années de la domination anglaise dans l’Inde. Sans revenir comme à plaisir sur ce dernier sujet, ne doit-on pas témoigner une profonde surprise en voyant que c’est en 1830 (année où fut commencé le Great trunk Road, qui doit relier Calcutta à Dehli, Lahore et Peshawer) que furent entrepris les premiers travaux sérieux destinés à faciliter les communications dans le domaine indien. Que le gouvernement de la compagnie, en état de guerre permanent avec ses voisins, n’eût pas eu le temps de tirer parti de toutes les ressources du pays, la chose est facile à comprendre ; mais qu’il eût négligé d’ouvrir des voies de communication qui lui permissent au moins de mouvoir aisément ses forces militaires d’un bout à l’autre du territoire conquis, c’est là une incurie gouvernementale, un oubli de ses propres intérêts, qui légitiment et au-delà les changemens radicaux dont la charte de la compagnie a subi l’atteinte depuis le commencement du siècle. Le Great trunk Road, commencé, comme il a été dit, en 1836, est achevé aujourd’hui sur un parcours de 950 milles, et conduit le voyageur, par une voie macadamisée dans son entier, de Calcutta à Kurnaul. Le parcours complet de cette grande artère de l’Inde atteindra 1,450 milles, et, en estimant à 1,000 livres sterl. Le prix moyen des travaux par mille, la ligne entière, lors de l’achèvement, représentera un capital